Si tu veux être heureux, cache ta vie comme un chat cache sa crotte

                                                                                                (Proverbe égyptien)

Mais pourquoi donc ce chat est-il sale ??

Le chat a la réputation justifiée d’être un animal naturellement propre : dès son arrivée à la maison, le chaton va faire ses besoins dans le bac à litière et les recouvre consciencieusement, le plus souvent sans qu’on ait eu besoin de le lui apprendre. Il passe une grande partie de la journée à se toiletter, ne se roule pas dans tout ce qui sent mauvais comme peut le faire un chien, etc. La surprise et la déception n’en sont que plus fortes lorsque le chat se met à faire ses besoins un peu partout dans la maison.

Deux grands groupes de causes peuvent être à l’origine du problème : une malpropreté par élimination, et une malpropreté par marquage.

Petit préambule que vous retrouverez un peu partout sur ce site : avant de partir à fond dans une origine comportementale, il est important d’exclure une origine organique, au moins par un examen clinique (indispensable de toute façon), et un recueil des commémoratifs. Et si après cette première étape, on subodore quelque chose de louche, on creuse avec des examens complémentaires. Un exemple dans le domaine qui nous intéresse ici : peut-être que si votre chat fait des petites flaques d’urine un peu partout dans la maison, ce n’est pas parce qu’il est malpropre, mais parce qu’il a une bonne cystite. Du coup, si les commémoratifs et l’examen clinique nous orientent dans cette direction, eh bien on va faire une analyse d’urines et une échographie, pour voir si la vessie n’est pas pleine de calculs ou les urines pleines de colibacilles… ou les deux. Et du coup, on oublie (provisoirement) conflits entre chats et positionnement de la litière pour se concentrer sur les calculs et l’infection. Mais attention quand même : chez le chat, une anxiété peut provoquer une cystite (idiopathique), et inversement, une cystite (donc des douleurs à chaque fois que le chat urine dans sa litière) peut déclencher une aversion à la dite litière, qui persistera une fois la cystite guérie. Donc notre problème de malpropreté peut avoir des causes organiques avec des conséquences comportementales, ou des causes comportementales avec des conséquences organiques, et parfois les deux en même temps. Je sais, c’est compliqué, mais si la vie était simple, ça se saurait. Allez zou, pour aujourd’hui, on se concentre sur les causes comportementales.

La malpropreté par élimination

Pourquoi ?

Dès qu’ils sont un tant soit peu autonomes, les chats apprennent à enfouir leurs crottes après avoir fait leurs besoins, suivant en cela l’exemple de leur mère. Il s’agit d’un comportement sans doute acquis depuis la nuit des temps, le but étant de ne pas signaler sa présence à d’éventuels prédateurs en laissant traîner ses déjections un peu partout, à l’air libre. (Photos ci-dessous : il est assez improbable qu’un prédateur s’aventure jusqu’ici, mais ça ne fait rien : les crottes de Pompon seront très consciencieusement enfouies, comme il l’a appris de sa maman).

Nos chats actuels entretiennent la tradition, et lorsqu’ils n’ont pas accès à l’extérieur ou que tout simplement ils préfèrent faire leurs besoins dedans, (il y en a qui passent leur vie dehors et qui rentrent exprès pour ça !)… eh bien ils cherchent dans la maison ou l’appartement un endroit qu’ils pourront gratter vigoureusement pour y enfouir leurs déjections. Et comme le bac à litière est le seul endroit qui permette ce genre de chose, pour peu qu’on le leur ait fait découvrir quand ils étaient chatons, eh bien ils vont tout naturellement l’utiliser. (Photo ci-contre).

Ci-dessus : une crotte recouverte avec conviction !

Malgré tout, certains chats, qui ne présentent par ailleurs aucun trouble du comportement, ne savent ou ne veulent tout simplement pas utiliser la litière. Les causes possibles sont nombreuses. Soit le chat n’a jamais appris la propreté : dans ce cas, il a toujours été sale, (ce type de malpropreté n’apparaît pas à l’âge de deux ans)… et il est probable qu’il ait souffert d’un trouble du développement. Ou bien quelque chose ne lui plaît pas dans son bac à litière : il le préfèrerait couvert ou découvert, ne le trouve pas assez grand, ou pas assez éclairé la nuit ; la litière irrite ses pattes, ou a une odeur qui lui déplaît ; le bac est situé dans un passage où le chat est souvent dérangé, ou au contraire camouflé au fin fond de la maison et difficilement accessible ; il n’est pas nettoyé assez souvent, et déborde un peu ; il y a moins de bacs que de chats dans la maison, etc. Enfin, n’oublions pas les infections urinaires (on y revient), qui peuvent donner au chat l’envie pressante d’uriner là où il se trouve, ou créer une association dans l’esprit du chat entre bac et douleur. Et puis tant qu’on en est aux associations, un chat qui a eu peur (par exemple, du bruit d’un objet qui tombe pas loin), ou qui a ressenti une grosse émotion négative pendant qu’il était dans son bac peut, justement, associer les deux, et refuser ensuite de retourner dans ce bac. Un cas particulier est constitué par les vieux chats qui semblent « perdre la tête », et qui sont malpropres par désorientation. (Un bac ? A quoi ça sert, un bac ? Et d’abord, où il est ?)

Comment ?

Le chat malpropre urine « normalement » : il cherche un endroit confortable (tapis, terre…), renifle, gratte le sol, puis s’accroupit et dépose ses urines en flaque. Après quoi il recouvre ses déjections en grattant, et s’en va.

Que faire ?

Si un chat n’a jamais été propre, il faut l’éduquer, ce qui ne sera pas forcément facile, quand on le récupère une fois adulte ! Pour cela, après avoir rendu le bac aussi attractif que possible (cf plus loin), on va le présenter au chat en mettant ce dernier dedans régulièrement, mais tranquillement, en le caressant, pour ne pas l’inquiéter. Si le chat, au contraire, était propre à l’origine, et devient subitement malpropre, il faudra d’abord exclure la possibilité d’une infection urinaire, par un examen clinique de l’animal et une analyse de ses urines. Si tout est normal, on recherche ensuite ce qui peut déplaire au chat dans son bac : la taille des grains ou le parfum de la litière ? les caractéristiques du bac ? (trop petit, avec des bords trop hauts…) ; sa place dans la maison et d’éventuelles nuisances à proximité ? (les enfants qui jouent bruyamment juste à côté…) ; la fréquence des nettoyages ? Une fois qu’on pense avoir trouvé, on corrige ce qui ne va pas : on met le bac dans un endroit calme, mais quand même facilement accessible, on essaye différents types de litières, différentes formes de bac, etc. Et puis en même temps qu’on supprime ce qui pourrait rendre le bac répulsif, on essaye de le rendre attractif, par exemple en y déposant du bois d’olivier ou des olives (les chats adorent !) et bien sûr, en le lavant à l’eau de javel (les chats adorent aussi). En parallèle, on va rendre les lieux où le chat fait ses besoins moins sympathiques, par exemple en y supprimant les tapis, (les chats aiment bien pétrir avant de faire leurs besoins), voire en les remplaçant par des feuilles de papier alu (ça, les chats détestent !). Evidemment, on ne nettoie pas à l’eau de javel ! Préférer un mélange vinaigre blanc-eau gazeuse, à 50/50. Quand aux vieux chats désorientés qui passent leurs nuits à déambuler en miaulant et ont visiblement oublié à quoi sert un bac à litière, ils feront l’objet d’un bilan biochimique et hormonal, et seront traités médicalement.

La malpropreté par marquage

Pourquoi ?

Les urines du chat contiennent des phéromones, qui jouent un rôle dans la communication entre congénères. Les urines servent donc à communiquer, notamment pour marquer le territoire. Les chats mâles adultes, et certaines femelles, marquent beaucoup naturellement. Une fois stérilisé, et dans un milieu où il se sent en sécurité, un chat normalement équilibré n’éprouve plus le besoin de marquer son territoire à tout bout de champ. Ce n’est pas le cas d’un chat anxieux, qui cherchera l’apaisement en retrouvant ses marques odorantes un peu partout où il passe. Les anxiétés liées au territoire (surpopulation, arrivée d’un chat intrus, changements de mobilier…), seront les plus génératrices de marquage urinaire.

Comment ?

Le chat qui marque ne ressemble pas au chat qui urine : il se met devant un support vertical (mur, meuble), le renifle en soulevant ses babines (flehmen), se retourne avec les pattes raidies et la queue levée et hérissée, envoie un jet d’urine en hauteur sur le support choisi, puis renifle à nouveau et s’en va. Cependant, si le problème s’éternise, au fur et à mesure que le temps passe, certains éléments de cette séquence peuvent disparaître, et après quelques mois, le chat finit parfois par uriner au sol comme s’il éliminait simplement. Lorsque le problème est ancien, il faut donc essayer de se souvenir de l’attitude qu’avait le chat lorsque les premiers épisodes de malpropreté ont été observés.

Ce chat aurait voulu nous faire une démonstration de ce qu’est le marquage, qu’il n’aurait pas fait mieux, à peu près tout y est : un support vertical, le flehmen (babines soulevées et nez retroussé : flèches, et gros plan ci-contre), les pattes raides, la queue qu’on imagine battante, et sur la photo de droite, le résultat : juste une petite giclette, en hauteur. En parallèle, on peut se rendre compte, en regardant l’expression du matou, à quel point il s’est détendu en quelques secondes : visiblement, ça va beaucoup mieux après qu’avant !

Que faire ?

La première chose à faire est de stériliser le chat, si ce n’est pas déjà fait : cette simple mesure résoudra la plupart des problèmes de marquage, notamment chez les mâles, en même temps qu’elle supprimera ou réduira le nombre de fugues et de bagarres. Si le problème persiste, une origine anxieuse devra être recherchée. Cela passe par un examen  du comportement  du chat lors d’une consultation comportementale : il faut trouver ce qui rend le chat anxieux, (changements dans l’environnement, arrivée d’un nouveau chat…), et le corriger. Attention, ce n’est pas toujours évident : parfois, il peut s’agir d’un chat du quartier qui passe sous la fenêtre une ou deux fois par jour (on n’est pas nécessairement là pour le regarder passer !), et que votre chat ne supporte pas, ou par lequel il se sent menacé. Dans les cas de marquage bien installés et qui n’ont pas pu être réglés par quelques mesures simples, il est souvent utile, voire nécessaire, d’utiliser des médicaments et des phéromones pour aider le chat à reprendre des habitudes normales, et à se sentir à nouveau apaisé dans son territoire, sans éprouver le besoin de marquer en permanence.

Il n’est pas forcément nécessaire d’avoir cinq félins à la maison avec une cohabitation chaotique, pour que certains se mettent à marquer : chez un chat un tant soit peu anxieux à la base, ou pas très bien socialisé à ses congénères, un chat du voisinage, dont le trajet quotidien passe devant la fenêtre, peut suffire à déclencher du marquage. Bon, ok, ces deux-là n’ont pas l’air particulièrement stressés…

Qu’est-ce qu’il ne faut surtout surtout pas faire ?

On l’a déjà dit, ne pas nettoyer les urines avec de l’eau de javel : ça attire encore plus les chats, et ça leur donne envie d’uriner juste là ! plutôt utiliser un mélange à parts égales d’eau gazeuse et de vinaigre blanc.

Ne pas nettoyer frénétiquement la maison tous les jours, de fond en comble ! Le chat dépose des phéromones sur les bords des meubles ou des portes lorsqu’il y frotte ses joues ou ses flancs. Si 70 % ou plus de ses marques disparaissent, le milieu n’est plus ressenti comme apaisant par le chat, qui va compenser en marquant, avec ses urines ou ses griffes. Des déménagements rapprochés, ou de fréquents changements de mobilier, de peinture ou de tapisserie, qui perturbent aussi le balisage établi par le chat, peuvent produire le même résultat.

Plus les chats sont nombreux dans une maison, plus la probabilité qu’un ou plusieurs d’entre eux se mettent à marquer est forte. On estime qu’à partir de 10 chats dans une maison, on est sûr qu’un au moins se mettra à marquer. Il arrive aussi qu’un chat empêche les autres d’accéder à la litière. Il devrait donc y avoir dans une maison plus de bacs que de chats, répartis dans les différentes pièces.

Enfin, se rappeler que les punitions sont toujours inefficaces, et même contre productives chez le chat : elles augmentent son anxiété, et l’incitent donc à marquer encore davantage !