Les chats, c’est comme les maris : quand on les laisse vagabonder, on n’est pas sûr de les voir revenir
Didier Hallépée ; Mon chat m’a dit, mon chien m’a dit (2010)
Le pourcentage de chats stérilisés en France varie selon les sources, mais les chiffres publiés tournent globalement autour de 80% pour les mâles, et 70% pour les femelles – ce qui paraît assez peu, comparé à ce que nous voyons dans notre pratique quotidienne. Notre curiosité piquée, nous sommes allés jeter un coup d’œil dans notre fichier, et avons pu constater que sur 400 chats âgés de plus d’un an (200 mâles et 200 femelles), 89% des mâles et 81% des femelles étaient enregistrés comme castrés ou ovariectomisées ; (certes, cela concerne les chats « médicalisés » qui ont consulté au moins une fois dans leur vie).. La stérilisation est donc un sujet qui concerne la quasi-totalité des chats… et la totalité de leurs propriétaires, car il est important de disposer d’une information complète avant de décider si l’on fera stériliser ou pas son petit félin. La question se pose évidemment de façon très différente selon que l’on parle du chat de canapé – ou plus largement, de maison – que l’on castre pour éviter qu’il rentre du dehors spécialement pour aller uriner sur la couette, ou de chats errants pour lesquels l’objectif est d’éviter la prolifération, et qui font l’objet de campagnes de stérilisation. Nous parlerons essentiellement dans cette page de la première catégorie : les chats de maison, amenés chez leur vétérinaire pour y être stérilisés.
La castration du chat consiste à retirer chirurgicalement les testicules. La précision n’est pas superflue, car on nous demande assez régulièrement ce qu’on enlève exactement – en fait, ce sont surtout les hommes qui posent la question. Et donc, la réponse est qu’on ne retire pas les bourses : elles restent en place, s’atrophieront peu à peu, mais on n’enlève que les testicules qui sont à l’intérieur (voir plus bas : Comment ça se passe ?). Autre précision utile : La stérilisation n’est pas obligatoire en France (Source = agriculture.gouv.fr), contrairement à l’identification. En revanche, les maires peuvent mettre en place une alternative à la fourrière et, en vertu de l’article L211-27 du Code rural et de la pêche maritime, procéder à la capture des chats non identifiés vivant sur leur commune afin de les identifier, les faire stériliser et les relâcher sur place.
Une petite colonie de chats errants ; (ils ne sont pas tous sur la photo !). Ce serait bien de les stériliser pour éviter qu’ils prolifèrent davantage, mais ça fait sans doute pas mal d’années qu’ils sont là… et il ne sont toujours pas 20 000 ! (voir ci-dessous).
Dernier point, histoire de tordre le cou à une légende urbaine que l’on voit traîner un peu partout, y compris sur des sites ou dans des journaux parfaitement respectables par ailleurs : dans le but (louable) d’inciter à la stérilisation des chats errants, on lit régulièrement qu’un couple de chats produirait 20 000 (!) nouveaux chats en 2 ans (ou 4, pour les auteurs les moins enthousiastes). D’autres, poussant le calcul un peu plus loin, évoquent 420 000 chats en 7 ans ! Bon, réfléchissons cinq minutes ; qui a déjà vu une colonie de 20 000 chats dans un village ou un quartier ? Il en sortirait une trentaine à chaque fois qu’on ouvrirait une armoire. Et cela en deux ans, à partir d’un seul couple ? Toujours en suivant ce raisonnement, il suffirait de quelques centaines de couples pour doubler en deux ans la population française de 15 millions de chats. Donc soyons sérieux, pour estimer l’évolution d’une population de chats, quelques notions de biologie sont plus utiles qu’une calculette. Des études réalisées aux Etats-Unis sur des populations de chats errants ont évalué à 1,6 le nombre de portées par chatte et par an avec un nombre de 2,1 à 5 chatons par portée, dont… 75% meurent avant l’âge de 6 mois. Ben oui, on n’est pas dans un monde parfait, régi par des lois mathématiques (heureusement, d’ailleurs). Bref, si l’on prend les chiffres ci-dessus, même avec la fourchette haute de 5 chatons par portée, ça nous amène à deux chatons par chatte et par an, qui arriveront à l’âge adulte et pourront donc se reproduire à leur tour. Ajoutons à cela les mécanismes de régulation internes à une colonie de chats, et on comprendra qu’on est bien loin des 20 000 chats en 2 ans ! Ce qui ne veut pas dire que les campagnes de stérilisation ne servent à rien, bien au contraire, mais en racontant n’importe quoi, on donne des arguments à ceux qui soutiennent la thèse opposée. Voilà voilà. Ceci étant dit, entrons dans le vif du sujet en abordant les aventures de Tigrou, arraché un beau matin au confort de son canapé pour aller se séparer de ses roupettes, chez son vétérinaire favori !
Pourquoi ?
Parce que dans la grande majorité des cas, un chat non castré développe trois comportements gênants :
1 – il marque son territoire en urinant un peu partout dans la maison, même s’il a accès à l’extérieur (et pas seulement s’il vit en appartement).
2 – il fugue, parfois pour plusieurs jours, ou même sans parler de fugue, occupe un plus grand territoire et parcourt de plus grandes distances que les mâles castrés et les femelles… avec les risques d’accidents et de mauvaises rencontres en tous genres que cela implique (photos ci-dessous). Une étude brésilienne publiée en 2020, s’intéressant à la distance parcourue par les chats par rapport aux dégâts qu’ils peuvent causer à la faune sauvage, a mis en évidence une réduction de 80% de la taille du territoire chez les chats castrés par rapport aux non castrés, avec comme conséquences un moindre éloignement de leur maison et une baisse de 30% de leur activité.
3 – il se bagarre, ce qui augmente les risques d’abcès et d’infection par les virus FeLV et FIV (photo ci-dessous : affreux abcès de la joue chez un chat, suite à une bagarre). Dans une étude publiée en 2022 par l’université de Davis (Californie), et portant sur 832 chats mâles, 12,4% des mâles non castrés étaient infectés par le FeLV, contre 6,3% des mâles castrés. En revanche, dans cette étude, la castration n’avait pas d’effet sur l’infection par le FIV.
4 – et comme les trois mousquetaires qui étaient en fait quatre, on va trouver une quatrième raison, moins souvent évoquée, de castrer son chat – et c’est valable aussi pour la chatte) : les nuisances sonores. Parce que ces bestioles n’ont pas la drague discrète : quand une chatte est en chaleurs quelque part, ça se castagne, ça crache et ça hurle tous azimuts, ce qui peut rendre un tantinet grognon le riverain qui doit se lever à six heures le lendemain matin pour aller bosser…
Bref, au moins 85 à 90 % des chats castrés ne présenteront plus ces comportements gênants… ou seulement s’ils ont une bonne raison de le faire ! (marquage urinaire en cas d’anxiété importante, bagarres si d’autres chats viennent envahir le territoire…)
Trois dangers qui guettent les chats mâles entiers en vadrouille. (Les mâles castrés et les femelles n’en sont pas totalement exempts, mais plus on s’éloigne de la maison, plus le risque augmente). Ci-dessus, un horrible abcès de la joue, suite à une bagarre avec un autre chat. A droite : les deux fémurs cassés, après une rencontre malencontreuse avec une voiture. Ci-dessous : ce qui arrive quand on tombe sur un maniaque des armes à feu : un plomb dans la cuisse, (c’est gênant mais sans plus), et un dans l’abdomen (c’est plus embêtant) : ce dernier a tapé sur une vertèbre (cf les petits débris métalliques), après avoir perforé l’intestin en trois endroits. Tout le monde a pu être sauvé, mais bon…
Moins de fugues, moins de bagarres… la durée de vie des chats castrés est, en moyenne, nettement supérieure à celle des chats entiers. Dans une étude publiée en 2013 par le Banfield Pet Hospital (USA), basée sur le recueil de données de 460 000 chats (!), l’espérance de vie des chats mâles castrés était en moyenne de 11,8 ans, contre 7,5 ans pour les mâles non castrés, soit une espérance de vie supérieure de 62% chez les chats mâles castrés par rapport aux non castrés. Dans l’étude de l’université de Davis déjà citée, l’âge médian du décès était de 3,7 ans pour les chats mâles non castrés âgés de plus d’un an, contre 9,8 ans pour les mâles castrés de la même tranche d’âge. (NB : les chats de moins d’un an n’ont pas été inclus dans cette étude, car les résultats auraient alors pris en compte toutes sortes de pathologies de chatons sans rapport avec la castration).
Ajoutons que deux raisons « accessoires » doivent inciter à faire stériliser son matou (si l’on met plein plein plein de guillemets à « accessoires », c’est juste qu’il n’y a pas de lien entre ces deux raisons et la santé du chat dont il est question dans cette page) : l’importance de la population (voire, par endroits, la surpopulation) féline, avec près de 15 millions d’individus en France en 2023, et les dommages causés à l’environnement qui en découlent, essentiellement par les chats mâles non castrés. On parle beaucoup, depuis quelques années, des ravages causés par les chats (y compris domestiques !) sur la faune sauvage : selon une étude parue dans Nature en 2013, les chats tueraient entre 1,3 et 4 milliards d’oiseaux, et 6,3 à 22,3 milliards de petits mammifères, par an, rien qu’aux Etats-Unis. En Australie, ce seraient chaque année 377 millions d’oiseaux (soit un million d’oiseaux par jour !) et 649 millions de reptiles ; et au Canada, entre 100 et 350 millions d’oiseaux par an.
En France, en 2017, plus de 11% des animaux accueillis en centres de sauvegarde LPO (essentiellement des oiseaux), avaient été blessés par des chats. Bon, on ne va pas pour autant interdire ou exterminer les chats (!), mais vu ce qu’on a dit plus haut à propos de la surface du territoire et de l’activité de chasse des chats non castrés vs castrés, sans compter les problèmes de surpopulation chez les chats errants non stérilisés – et pas que… ce sera quand même bien pour les petits oiseaux de retirer ses coucougnettes à Félix ! (Photo ci-contre : cette plume n’est pas arrivée là par hasard !)
A quel âge ?
En France, la castration est traditionnellement pratiquée à l’âge de (plus ou moins) six mois.
Depuis longtemps aux Etats-Unis, et plus récemment en France, une stérilisation précoce peut être proposée ; précoce signifiant avant quatre mois, voire à partir de six semaines ou dès que le chaton dépasse 1 kg. Pourquoi stériliser aussi jeune, me direz-vous ? les raisons invoquées sont 1) ne pas se laisser surprendre par une puberté qui survient parfois dès l’âge de quatre mois, (bon, ce n’est quand même pas bien fréquent), et 2) une question de commodité dans les collectivités, notamment les refuges : tout le monde est stérilisé à 3-4 mois, et on est tranquille de ce côté-là ; même chose en ce qui concerne les chats errants piégés et stérilisés avant d’être relâchés. Peu d’études ont exploré les avantages et inconvénients de la stérilisation précoce : les chatons stérilisés précocement semblent avoir moins tendance au surpoids que les chats stérilisés adultes. La castration avant la puberté, surtout avant 3-4 mois, retarde la fermeture des cartilages de croissance, donnant des chats adultes plus haut sur pattes… mais apparemment, ça ne se voit pas. On ne décrit pas d’augmentation du risque d’affections du bas appareil urinaire et notamment d’obstruction urétrale, par rapport aux chats castrés plus tardivement (voir plus loin). Côté comportement, la castration précoce ne semble pas changer grand-chose ; les chatons castrés précocement seraient plus calmes, plus joueurs, mais avec une diminution du comportement exploratoire… bon, rien de très clair. D’un point de vue technique, l’intervention sur un chaton d’1 kg demande tout de même plus de précautions que sur un chat ayant atteint sa taille adulte : rien d’insurmontable, loin de là, surtout pour un vétérinaire pratiquant couramment la stérilisation précoce, mais l’anesthésie, l’intervention elle-même et le réveil avec en particulier les risques d’hypothermie, demandent tout de même une attention particulière. En revanche, réveil et reprise de l’appétit sont beaucoup plus rapides chez les chatons opérés très jeunes. A noter aussi que les testicules ne sont pas toujours en place à deux ou trois mois. (Voir la page de ce site consacrée à la cryptorchidie).
Voilà pour l’âge minimum. Et le maximum ? On ne va peut-être pas décider un beau matin de faire castrer son vieux chat de 18 ans s’il a bien vécu jusque-là avec ses deux coucougnettes. En revanche, un chat peut très bien être castré à six ou huit ans suite à un changement de mode de vie (on le fait déménager d’un appartement à une maison avec jardin, d’où il s’évade avec enthousiasme), ou à un changement de comportement (il se met brusquement à marquer sur tous les meubles ! dans ce cas, attention quand même aux causes comportementales). Quoi qu’il en soit, il ne semble pas qu’une castration tardive modifie, dans un sens ou dans l’autre, l’efficacité de l’intervention sur les nuisances décrites plus haut.
Et nous, dans tout ça ? Sauf cas particulier, nous restons traditionnels, avec une castration conseillée autour de six mois.
Comment ça se passe ?
Tigrou doit être à jeun depuis la veille au soir (on ne lui donne plus rien à manger à partir de 19-20 heures). En revanche, il peut boire jusqu’au moment du départ. Vous nous le déposez le matin. Nous l’examinons pour voir si tout va bien (auscultation cardiaque notamment). Il reçoit ensuite des injections d’anti-inflammatoire/anti-douleur et de tranquillisant, suivies quelques instants plus tard par l’anesthésique proprement dit. Une fois endormi, le chat est préparé pour la chirurgie (rasage, désinfection), et l’intervention est réalisée : la peau est incisée, les testicules extériorisés l’un après l’autre, l’hémostase (= procédure pour éviter un saignement) réalisée par une auto-ligature du cordon spermatique avec les structures vasculaires, après quoi les attaches peuvent être sectionnées et le testicule retiré. La peau n’est pas suturée, elle cicatrisera toute seule en quelques jours. Tigrou retourne dans sa cage, où il se réveille doucement, sous surveillance (tout cela en photos, ci-dessous). Il pourra rentrer à sa maison le soir même.
A la question posée plus haut, (« mais en fait, qu’est-ce que vous enlevez, exactement ? »), la réponse en deux photos : Avant (no comment) : ici, les poils ont déjà été rasés, mais la peau pas encore désinfectée. A droite, c’est après : le changement de couleur, c’est que toute la région a été noyée sous l’alcool et la bétadine. Les bourses sont toujours là, mais elles sont vides, les testicules ayant été retirés. L’incision (flèche) n’est pas suturée, elle cicatrisera toute seule en quelques jours.
Tintin et Fripouille, quelques heures après leur castration : réveil tranquille, sans signe de douleur, en attendant de rentrer à la maison.
À noter que si l’on avait le projet de faire pratiquer une autre (petite) intervention demandant une anesthésie, en particulier le tatouage ou la pose d’une puce électronique (= transpondeur)… c’est le moment d’en profiter ! (NB : sauf chez un chat très… réactif, une anesthésie n’est pas nécessaire pour poser une puce électronique ; mais bon, si le minou est endormi et qu’on peut le faire calmement et sans la douleur (relative) d’une piqûre… il serait dommage de se dire un mois plus tard que tout compte fait… on aurait bien pu lui mettre son transpondeur en même temps !)
Combien ça coûte ?
Voir la page « Nos tarifs« , dans le menu déroulant des Informations pratiques.
Y a-t-il un risque ? ou des effets secondaires ?
Pour toute anesthésie, il y a par définition… un risque anesthésique. Nous-mêmes pouvons entrer à l’hôpital pour une intervention bénigne, et malgré toutes les précautions prises par l’équipe chirurgicale, ne pas nous réveiller !
Ceci étant dit pour le principe, on n’est tout de même pas loin de pouvoir écrire qu’il n’y a pas de risque, tellement les accidents sont rarissimes sur une castration de chat. Un examen clinique complet est évidemment réalisé lors de la visite d’entrée, en présence des propriétaires, une attention particulière étant portée à l’auscultation cardiaque. Signalons tout de même l’existence, chez le chat, de malformations cardiaques très sournoises, parfois impossibles à détecter à l’auscultation, et qui peuvent se révéler lors d’une anesthésie. Mais encore une fois, tout cela est extrêmement rare.
Côté effets secondaires, le plus connu est la prise de poids : du fait des changements métaboliques/hormonaux dus à la castration, et des changements comportementaux pouvant conduire à une baisse de l’activité physique. Il est donc conseillé de peser régulièrement son chat après la castration, de le faire jouer pour qu’il prenne de l’exercice s’il ne le fait pas spontanément, et de le nourrir avec un aliment de bonne marque, spécialement conçu pour les chats castrés. Voir les pages de ce site consacrées à l’alimentation du chat, et dans les Fiches comportement, celle consacrée au comportement alimentaire du chat.
Photo ci-contre : oh, qu’est-ce que vous avez, à me regarder comme ça ??
Les maladies du bas appareil urinaire (MBAU), affectant la vessie et l’urètre, ainsi que les obstruction urétrales (SUF = syndrome urologique félin), semblent plus nombreuses chez les chats castrés, non du fait de la castration elle-même, mais de l’obésité qui peut en découler, celle-ci étant un important facteur favorisant pour les MBAU. Le fait de moins marquer, en augmentant le dépôt de sédiments dans une vessie qui se vide moins souvent, jouerait aussi un rôle.
Donc deux effets secondaires contrôlables dans une large mesure par l’alimentation, pas beaucoup plus fréquents que chez les chats entiers concernant les MBAU, et à mettre en parallèle avec tous les problèmes posés par un chat non castré, pour lui-même et pour son entourage.
Et ensuite ?
Pas de suture, donc pas de points à retirer. Pas de médicament à donner non plus, au cours des jours suivants.
Tigrou peut prendre un repas léger le soir même, s’il a faim et qu’il ne vomit pas. À partir du lendemain, retour à l’alimentation normale.
On évitera de le laisser sortir le premier soir, voire le lendemain, pour éviter qu’il tombe d’un arbre ou d’un toit, la nuit suivant l’anesthésie… et puis c’est tout.
Il est possible de remplacer la litière par du papier journal pendant trois ou quatre jours, afin que des graviers ne se collent pas sur la plaie de castration. C’est une précaution facultative, mais ça peut être bien.
Quelques heures après la castration ; Chouchou, ci-dessus à gauche : « C’est bon, je peux rentrer chez moi, maintenant ? » Ci-dessus à droite et ci-contre : Otis, très intéressé par tout ce qui se passe dans la clinique, également prêt à rentrer à sa maison pour retrouver ses petites habitudes !