La chirurgie orthopédique
Pour qu’ils fassent de vieux os
L’orthopédie est la spécialité médicale traitant les pathologies (accidents, maladies et déformations) de l’appareil locomoteur, c’est-à-dire des os, des articulations, des muscles, des ligaments et des tendons. Le rôle de l’orthopédiste est de diagnostiquer et de traiter ces différentes pathologies. La chirurgie orthopédique est l’une des principales activités pratiquées dans notre structure. Elle concerne en particulier une grande partie des animaux qui nous sont référés par nos confrères.
Nous n’énumèrerons pas ici toutes les pathologies rencontrées, ni toutes les chirurgies réalisées dans notre structure, certaines feront l’objet d’une page à part ailleurs dans ce site. Nous nous limiterons à présenter deux des principales interventions ou groupes d’intervention que nous sommes amenés à pratiquer : le traitement des fractures, et celui de la rupture du ligament croisé antérieur (LCA) du genou, par la technique de la TPLO. Nous dirons aussi un mot de deux étapes importantes que sont la préparation chirurgicale, (avant), et la convalescence, (après). La lutte contre la douleur et la sécurité de l’anesthésie sont bien sûr, pour nous, des préoccupations constantes, et feront également l’objet de pages séparées.
Signalons enfin que comme pour l’endoscopie, toutes les chirurgies orthopédiques se font dans notre clinique de Calvisson.
Alors, au risque d’enfoncer une porte ouverte : on peut être le meilleur chirurgien du monde, si le site opératoire n’est pas correctement rasé et désinfecté, si l’asepsie en général n’est pas respectée, ça risque de mal se passer. En effet la mise en place d’implants et la fragilité de l’os ou de l’articulation vis-à-vis de l’infection augmentent le risque septique.
Déjà, la préparation se fait sur une table et dans une partie spécifiques de la salle de soins : on ne prépare pas une chirurgie orthopédique sur la table où l’on a précédemment ouvert un abcès de chat, ni même préparé une stérilisation de chienne ! La préparation pour ces trois types d’intervention (petite chirurgie septique, chirurgie des tissus mous et chirurgie orthopédique) se déroule dans trois parties bien distinctes de la salle de soins.
Comme pour la préparation, l’intervention elle-même a lieu dans un endroit à part : nous disposons à la clinique de Calvisson d’un bloc de chirurgie orthopédique spécifique, séparé du second bloc opératoire dans lequel sont effectuées les chirurgies des « tissus mous »
Tous les détails concernant la préparation du patient en cliquant sur le bouton ci-dessous. Compter en moyenne 30 à 40 mn de préparation selon le format du patient, pendant lesquelles celui-ci est anesthésié, un monitoring permettant de surveiller ses fonctions cardiorespiratoires.
Les fractures chez le chien ou le chat sont la plupart du temps dues à des accidents avec un traumatisme important. Il peut s’agir d’un accident de la voie publique, d’une chute, d’une morsure. Pour certains petits chiens, le choc suite à une chute des bras du propriétaire ou d’un canapé peut suffire à provoquer une fracture. Plus rarement, il peut survenir des fractures de stress (microtraumatismes répétés chez les chiens de courses par exemple) ou liées à une maladie (infection ou tumeur osseuse entraînant une fragilisation de l’os).
Il est important de garder à l’esprit que tout traumatisme susceptible de provoquer une fracture peut entraîner des dégâts importants sur les autres organes de l’animal. Si le chat ou le chien a été victime d’un accident, il peut être nécessaire de réaliser divers examens tels que d’autres radiographies, un bilan sanguin ou une échographie pour vérifier qu’aucune autre lésion n’est présente. Certaines lésions internes peuvent s’avérer beaucoup plus graves et donc plus urgentes à traiter que la fracture en elle-même. Il est nécessaire de s’assurer que l’animal est stable et que ses fonctions vitales sont normales, avant d’envisager la prise en charge de la fracture.
La technique utilisée pour réparer la fracture dépend du type de fracture observé, et de nombreux éléments sont à prendre en considération :
- l’espèce, la race, l’âge et le poids de l’animal ;
- l’activité physique habituelle ;
- l’os atteint ;
- la localisation de la fracture au niveau de l’os (articulaire, diaphysaire [au « milieu » de l’os], métaphysaire [à l’extrémité de l’os]) ;
- le type de fracture (incomplète, simple, déplacée, avec ou sans fragments, comminutive [très nombreux fragments]) ;
- l’éventuelle présence d’une plaie en regard du foyer de fracture (fracture ouverte).
L’os est un tissu vivant et pour qu’un os fracturé puisse cicatriser, il convient de replacer autant que possible les morceaux d’os dans leur position initiale et de les stabiliser dans cette position tout en préservant la vascularisation. Les modalités de traitement sont très variées et à adapter spécifiquement en fonction du type et de la localisation de la fracture. Dans certains cas, une simple immobilisation par un pansement (éventuellement renforcé par une attelle) est possible, notamment si la fracture n’est pas déplacée. Mais le plus souvent une fracture va nécessiter un traitement chirurgical avec mise en place d’un matériel qui va permettre de stabiliser le foyer de fracture. Le matériel utilisé peut être des broches, une plaque vissée, des vis, des cerclages métalliques, des fixateurs externes ou encore une combinaison de deux systèmes.
Quelques exemples ci-dessous.
Perla est une jeune spitz de 4 mois présente une fracture des 4 métacarpes. La chienne pèse 2,8 kilos ; à l’exception de la fracture non déplacée, les différentes fractures ont été traitées à l’aide d’une broche placée au centre de chaque métacarpe. Les métacarpes ainsi réparés vont servir d’attelle au métacarpe fracturé mais non déplacé. Un pansement avec attelle sera mis en place pour protéger le montage.
Cet autre chien, Riyuck, adulte et plus lourd (27 kg), qui présente une fracture de 3 métatarses, les 2 os centraux sont été stabilisés à l’aide de plaques vissées, plus résistantes que des broches. Un pansement avec une attelle sera nécessaire également.
Bon, on a donc des plaques, des vis et des broches ; maintenant, qu’est-ce qu’on fait avec tout ça ? La réponse en cliquant sur les petits boutons ci-dessous !
Nous venons de voir d’assez nombreux exemples d’utilisation des plaques, vis, broches et autres cerclages, sur différents types de fractures. La plupart de celles-ci étaient relativement classiques. Mais il existe des fractures qui demandent un traitement particulier : celles qui sont proches d’une articulation, voire dans l’articulation, et les fractures comminutives, quand l’os est complètement explosé. Plus de détails en appuyant sur les petits boutons ci-dessous.
Cette série d’exemples, loin d’être exhaustive, montre combien les fractures peuvent être variées, et leur traitement également. Il faut tout de même signaler que de temps en temps, certaines fractures très peu déplacées ne nécessitent pas un traitement chirurgical et peuvent être gérées à l’aide d’un pansement avec attelle. Chez les animaux, l’attelle (a fortiori le plâtre, responsable de macération et d’escarres), sont rarement la meilleure solution, dans la mesure où il est compliqué de demander à un chien ou un chat de ne pas utiliser le membre fracturé. Le traitement chirurgical vise à apporter la meilleure solidité et permettre à l’animal de poser le membre opéré avec un minimum de risques de compromettre la cicatrisation osseuse.
TPLO est l’abréviation anglo-saxonne pour l’ostéotomie de nivellement du plateau tibial (Tibial Plateau Leveling Osteotomy). La TPLO est une chirurgie osseuse pratiquée sur le genou des chiens pour traiter la rupture du ligament croisé antérieur. La technique opératoire a été développée et décrite par un vétérinaire américain, B. Slocum, dans les années 90 ; cette technique a évolué et profité des évolutions médico-technologiques pour devenir la chirurgie de référence sur les chiens de grand gabarit.
La particularité anatomique du genou chez le chien est que le plateau tibial présente une pente (). Le ligament croisé antérieur (LCA) est un des éléments qui stabilisent le genou et en cas de rupture de ce ligament croisé antérieur, le fémur à tendance à glisser sur la pente du plateau tibial. Cette instabilité est mal supportée par le chien, créant inflammation, douleur et éventuellement des lésions méniscales.
La TPLO consiste en une ostéotomie (coupe osseuse) et une rotation de la partie supérieure du tibia (le plateau tibial). Cette rotation du plateau tibial vers une position proche de l’horizontale permet de diminuer les contraintes liées à la pente tibiale et de stabiliser le genou du chien, le transformant en une articulation qui n’a plus besoin de ligament croisé antérieur pour être stable.
L’ostéotomie ainsi réalisée est stabilisée au moyen d’une plaque très spécifique et de vis osseuses.
Ces implants, s’ils ne posent pas de problèmes au chien opéré, peuvent être laissés en place à vie après la consolidation osseuse.
Il existe d’autres techniques chirurgicales dites « classiques » qui tendent à restaurer la stabilité du genou par l’implantation d’une prothèse ligamentaire, positionnée à l’intérieur ou à l’extérieur de l’articulation. La prothèse stabilise le genou en reproduisant la fonction du ligament croisé antérieur déficient. La durabilité de ces techniques n’est cependant pas certaine dans tous les cas, notamment chez les animaux lourds ou très actifs.
Un repos strict est recommandé pendant les 8 semaines qui suivent l’opération : au début, seules les sorties hygiéniques en laisse sont autorisées. Les jeux, courses, sauts et escaliers sont à éviter pendant toute la phase de convalescence. Le chien peut et doit toutefois marcher (toujours en laisse) afin d’entretenir ses articulations et sa masse musculaire. Après 6 semaines et à condition d’un contrôle clinique et radiographique favorable, la durée des sorties, toujours en laisse, pourra être augmentée pour atteindre progressivement sur 2 à 6 semaines une activité normale. Ces consignes de repos sont importantes pour limiter les complications postopératoires (inflammation articulaire, fracture du tibia, rupture d’implant) mais aussi pour que le chien ne force pas trop sur son second genou et éviter qu’il ne se rompe le ligament croisé antérieur de l’autre côté.
De la rééducation fonctionnelle (notamment de l’hydrothérapie) peut être utile pour parfaire la récupération si elle est anormalement lente.
Les résultats de la technique TPLO sont jugés excellent (pas de boiterie) ou bons (boiterie rare) dans plus de 95% des cas. Des complications sont possibles mais elles ne compromettent que très exceptionnellement le résultat à long terme de la TPLO chez le chien car elles sont souvent traitables. Une complication classique fait suite au léchage de la plaie opératoire, ou pire, à l’arrachage des points : une infection plus ou moins profonde de la cicatrice peut survenir et finir par nécessiter le retrait du matériel opératoire. C’est pour cela que le port d’une collerette est imposé après l’opération et ce jusqu’au retrait des points.
Avec deux pattes cassées et fraîchement réparées, pas de souci à se faire pour Pompon, aussi longtemps qu’il reste à la clinique : tranquillement installé dans son box, en chatterie, il ne risque pas de se lancer dans une série de saltos arrières. Mais une fois rentré à la maison, avec un épagneul qui adorerait laisser libre cours à ses talents de chasseur en se lançant à la poursuite de l’intrus, il en va tout autrement ! Donc, pas le choix : Pompon sera confiné deux mois dans les toilettes, et l’épagneul devra patienter derrière la porte avant de découvrir son nouveau compagnon de jeu.
Juste après la chirurgie, la fracture est stable, essentiellement grâce au matériel mis en place pour la stabiliser ; la stabilité définitive ne sera acquise que lorsque le cal osseux se sera formé. La cicatrisation osseuse est relativement longue : entre 4 et 12 semaines de repos, selon le type de fracture et l’âge du sujet, sont en général nécessaires suite au traitement orthopédique. D’une certaine manière, la cicatrisation osseuse est une course entre la résistance du montage réalisé pour stabiliser le foyer de fracture et la vitesse de formation du cal osseux. Le repos postopératoire est un élément essentiel à la bonne récupération de l’animal si l’on veut éviter que des vis s’arrachent ou que la plaque ne plie. Dans certains cas, une immobilisation complémentaire à l’aide d’un pansement, éventuellement renforcé par une attelle, est mise en place mais le plus souvent il est préférable de laisser l’animal se servir de son membre opéré. Une utilisation précoce du membre opéré permet une meilleure récupération fonctionnelle (moins d’ankylose, moins de fonte musculaire). Le chien ou le chat peut et doit marcher un peu mais il convient d’éviter les sauts, les courses et les escaliers. Le chien qui court 10 ou 15 fois par jour au portail quand quelqu’un passe dans la rue ou le chat qui monte et descend régulièrement d’une chaise ou d’un canapé (si ce n’est d’encore plus haut !) mettent en danger la stabilité du montage orthopédique. Le suivi radiologique permet de suivre la cicatrisation osseuse et de déterminer le moment de la reprise d’activité.
Ci-dessus à gauche : après deux mois, la porte s’ouvre enfin. Il était temps : Pompon avait découvert l’existence d’un fenestrou à 1,50 m du sol ! Profitons-en pour jeter un coup d’œil à son lieu de convalescence : 2,5 m2, une litière, de l’eau, des croquettes, et son coussin. Comme lieu de confinement, un parc à bébé fait aussi très bien l’affaire, notamment pour un petit chien.