LA DERMATOLOGIE
Eteindre l’incendie
Importantes lésions de la face chez ce petit bouledogue français, souffrant d’atopie – maladie fréquente dans cette race.
La dermatologie représente un fort pourcentage des consultations chez le chien et le chat, et plus encore chez les lapins et rongeurs de compagnie. Cet article n’a pas la prétention de décrire toutes les affections rencontrées en dermatologie vétérinaire, mais de présenter la démarche suivie dans les cliniques de Calvisson et Villevieille devant un animal souffrant d’un problème de peau, ainsi que les principaux examens complémentaires que nous réalisons sur place ; le tout illustré d’exemples, choisis parmi les cas que nous avons rencontrés ces dernières années.
Pas de bonne consultation de dermatologie sans un recueil des commémoratifs précis : depuis combien de temps le problème a-t-il commencé ? est-ce que l’animal se gratte, ou pas ? d’autres animaux (ou humains) en contact avec lui ont-ils des problèmes de peau ? a-t-il voyagé ? est-ce le premier épisode de dermite, ou les symptômes reviennent-ils régulièrement ? y a-t-il déjà eu des traitements et quelle a été leur efficacité ? Dans certains cas, les réponses à ces questions nous donnent presque le diagnostic.
Importance des commémoratifs en dermatologie : Ci-dessus et à gauche, deux exemples de prurit : respectivement dermite par hypersensibilité à la salive de puces chez une chatte, et pustulose éosinophilique chez une chienne (Fanny : description de son cas – et de sa guérison, à la fin de cet article). En revanche, dans le cas de Fifa (photos de droite), chienne Griffon de quatre ans atteinte d’une dépilation des flancs, il n’y a pas de prurit ; la peau reste fine et sans lésion, mais les poils des flancs tombent régulièrement, deux fois par an, ça dure quelques mois et après ils repoussent… jusqu’à la prochaine fois ! Dans ce cas, inutile de dépenser son temps et son argent en examens complémentaires : l’historique suffit pour établir un diagnostic d’alopécie récidivante des flancs (ARF), et faire la différence avec des maladies endocriniennes comme le syndrome de Cushing, (voir plus loin), qui donnent aux chiens atteints un aspect comparable… mais sans repousse spontanée des poils !
La consultation se poursuit par l'examen clinique. Les lésions cutanées sont évidemment observées en premier : on recherche les lésions primaires, directement induites par l'affection cutanée (rougeur, pustules, nodules…) et secondaires, dues à l'évolution d'une lésion primaire (squames, croûtes…), ou à l'action de facteurs externes (lésions de grattage, par exemple). La répartition des lésions sur le corps de l'animal est notée : ligne du dos et face arrière des cuisses dans les infestations par les puces (photos ci-dessous, et d'autres exemples chez le chien et le chat en suivant ces liens) ; face et extrémités des membres dans l'atopie (voir exemples plus loin) ; jonction peau-muqueuses dans certaines maladies immunitaires. Un certain nombre de parasites externes (puces, tiques, aoûtats…), peuvent éventuellement être observés. La recherche des puces (photo de droite) ou de leurs déjections est particulièrement importante, cet insecte étant responsable d'un fort pourcentage des maladies de peau du chien et du chat. Le reste de l'examen clinique n'est pas négligé : une température élevée, de gros ganglions, une masse palpable dans l'abdomen… peuvent orienter le diagnostic vers telle ou telle affection dermatologique… ou vers une maladie générale, dont les symptômes cutanés n'auront été que l'une des manifestations.
Photos ci-contre ; en haut : Aspect et localisations typiques des lésions dues aux piqûres de puces chez une chienne labrador : dans ce cas, l'examen clinique est presque suffisant pour établir le diagnostic - même s'il faut toujours rester prudent, certaines lésions sont parfois trompeuses ! Dans la plupart des cas, on écarte un peu les poils du bas du dos (s'il en reste), ou on regarde sous le ventre de l'animal, et on voit courir les puces, au milieu de leurs déjections (les crottes de puces sont des petits cristaux noirs, constitués de sang digéré). Si l'on ne voit rien de tout cela, c'est peut-être que les puces et crottes de puces sont peu nombreuses sur cet animal, auquel cas, pour plus d'efficacité, on pourra peigner le chien ou le chat (ou le rongeur !) avec un peigne à puces, et voir ce qui tombe sur une feuille de papier blanc (photos du bas). Attention, dans 20% des cas de dermite liée aux piqures de puces, on ne trouve sur l'animal ni puce, ni crotte de puce.
Le recueil de commémoratifs et l'examen clinique étant terminés, le vétérinaire est à même de formuler un certain nombre d'hypothèses : origine parasitaire, allergique, infectieuse, hormonale… Ce sont maintenant les examens complémentaires qui vont permettre de trancher (dans la plupart des cas), entre ces différentes hypothèses. Et là, place au microscope : nous allons réaliser des raclages, des calques, des ponctions… sur les différentes lésions cutanées, afin de tenter de repérer des parasites, des champignons, des cellules anormales… Mais l'arsenal comprend aussi des biopsies, des tests d'allergie, des régimes d'exclusion, etc. La réalisation de ces examens complémentaires nécessitera parfois l'hospitalisation de votre compagnon pour quelques heures, parfois aussi une sédation, voire une anesthésie s'il s'agit d'examens un tant soit peu douloureux, ou qui demandent une certaine immobilité (intra-dermo réactions, biopsies…). La plupart de ces examens seront lus et interprétés à l'intérieur de la clinique, certains seront traités par un laboratoire extérieur. Plus de détails sur ces examens complémentaires en cliquant sur les boutons ci-dessous.
Nous n'allons pas passer en revue ici tous les traitements utilisables en dermatologie des carnivores domestiques et des NAC.
Dans la mesure du possible, il faudra évidemment supprimer ou, à défaut, traiter la cause - ce qui n'est pas toujours facile ! soit que cette cause soit difficile à déterminer, (cas des allergies alimentaires chez un chat qui vadrouille, ou dans une maison avec plusieurs animaux, chacun allant manger dans la gamelle de l'autre), soit qu'elle soit compliquée à éradiquer : par exemple, une dermite par hypersensibilité à la salive de puces, chez un chien vivant au milieu d'un gros fouillis (garage, chenil plein de paille…), au milieu d'une dizaine de chats ne se laissant pas approcher… ni traiter contre les puces !
Malgré ces difficultés, la suppression de la cause sera évidemment la solution la plus satisfaisante, le meilleur exemple étant l'élimination des parasites cutanés (puces, gale, démodécie, cheyletiellose…) par un anti-parasitaire ; (à noter que pour les cas difficiles évoqués plus haut, nous disposons aujourd'hui de traitements très efficaces, y compris en comprimés, qui permettent de traiter un animal réfractaire aux manipulations, sans avoir à l'approcher). Beaucoup d'infections cutanées pourront être définitivement guéries par un antibiotique adapté et des antispetiques en lotion ou en shampooing. Et à défaut de supprimer la cause, on pourra toujours l'éviter, ce qui revient un peu au même : une allergie alimentaire ne sera jamais "guérie", (l'animal restera allergique), mais si l'on peut déterminer l'aliment allergisant et le retirer de la ration, les symptômes disparaîtront.
Il y a des cas où l'on ne pourra ni éviter ni supprimer la cause, mais tout de même la traiter : si l'on donne des hormones thyroïdiennes à un chien hypothyroïdien, ses symptômes (y compris cutanés), disparaîtront rapidement. Même chose si l'on traite efficacement un syndrome de Cushing chez un chien, ou une maladie surrénalienne chez un furet. Une leishmaniose est rarement guérie définitivement, mais même si le chien reste porteur, le traitement permettra généralement une disparition des lésions cutanées. On ne supprimera pas l'allergie chez un chien atopique, pas plus que les pollens et acariens de l'environnement, mais une désensibilisation et/ou l'utilisation d'anticorps monoclonaux permettront dsouvent (malheureusement pas toujours), de traiter efficacement la maladie.
Et puis, dans certaines dermatoses, on ne peut pas supprimer la cause, ou il n'existe pas de traitement, ou alors ils fonctionnent mal chez tel ou tel individu : par exemple, un chien souffrant d'une malformations de la peau (génodermatose), ne pourra pas… changer de peau. Certains cas d'atopie ne répondent pas, ou seulement partiellement, aux traitements. Dans ces cas-là, il faudra gérer du mieux possible : diminuer les démangeaisons, contrôler les surinfections, et améliorer l'état de la peau en l'hydratant, ou en restaurant la barrière cutanée avec des lotions, des shampooings, ou des compléments alimentaires. Les cas complexes en dermatologie demandent d'ailleurs souvent l'association de différents types de traitements, à la fois locaux et généraux, visant à la fois à traiter la cause et à en modérer les effets.
Voici Silvio, setter de 10 ans, arrivé à la SPA atteint de leishmaniose. (Une filariose à D. repens a aussi été détectée chez lui) : à gauche, le jour de sa première consultation, à droite après cinq semaines de traitement. La leishmaniose est toujours là, le chien en restera probablement porteur, mais il va bien et sa peau est redevenue normale sous l'effet du traitement de la maladie causale.
Chez ce berger allemand atteint d'une épouvantable pyodermite (suppuration cutanée), les antibiotiques seuls ne suffiront pas si les fistules continuent à macérer sous les poils : le traitement passe aussi par une tonte complète pour rendre les lésions accessibles, et des soins locaux fréquents (lotions ou shampooings antiseptiques, etc).