L’échographie
Une histoire de nymphe et d’ultrasons
L’échographe est devenu un instrument indispensable à la médecine vétérinaire, au point que nous nous demandons quotidiennement comment l’on pouvait vivre sans, il y a quelques années !
Rappelons qu’il s’agit d’une technique d’imagerie utilisant les ultrasons : Elle doit son nom à Echo, la nymphe bavarde, amoureuse de Narcisse, que la déesse Héra, par jalousie, priva de la parole et relégua dans une grotte, ne lui permettant que de répéter les derniers mots qu’elle entendait – raison pour laquelle on entend, depuis lors, de l’écho dans les grottes !
La sonde de l’échographe envoie des ultrasons qui se réfléchissent sur les obstacles rencontrés, en l’occurrence les différents tissus de l’organisme. Lorsqu’ils reviennent « en écho », ils sont captés par cette même sonde, puis traités par un système informatique pour reconstituer sur un écran l’image de l’organe étudié. L’air et les tissus calcifiés arrêtent les ultrasons : l’échographie ne permet donc pas d’explorer le cerveau (à l’intérieur de sa boîte crânienne), ou les poumons, par exemple. En revanche, on verra très bien l’intérieur du cœur, ou un organe « dissimulé » au milieu d’un liquide – toutes choses invisibles sur une radiographie.
L’échographie connaît d’innombrables applications en médecine vétérinaire ; on mentionnera essentiellement l’échographie abdominale, l’échographie cardiaque, l’échographie thoracique autre que cardiaque, et quelques applications plus marginales, quoique parfois déterminantes pour le devenir d’un animal (échographie tissulaire, oculaire, articulaire, laryngée, thyroïdienne…)
Il s’agit d’une technique non invasive, ni douloureuse ni dangereuse pour l’animal.
Tous les organes de l’abdomen sont accessibles à l’échographie, mais la première application qui vient généralement à l’esprit, chez l’animal comme chez l’Humain, est l’observation d’un (ou plusieurs) fœtus, au cours d’une grossesse. L’échographie est alors l’occasion d’une première visio avec Bébé, d’autant plus attendrissante qu’à ce stade, il est encore silencieux et assez peu mobile.
Chez l’animal, l’échographie de l’abdomen pourra également servir à observer chiots et chatons en devenir (photo ci-contre : thorax d’un fœtus de chien, dix jours avant le terme), à les compter, à voir si le cœur bat bien… ou tout simplement à savoir si la chienne ou la chatte est, oui ou non, gestante. Mais il y a bien d’autres choses à observer dans l’abdomen, que vous pourrez découvrir en cliquant sur les boutons ci-dessous : du côté de l’appareil reproducteur, outre les fœtus, on pourra observer des infections de l’utérus (pyomètre), des kystes ou des tumeurs de l’ovaire, sans oublier les infections, hypertrophies et tumeurs de la prostate ; dans l’appareil urinaire, des calculs (rénaux ou vésicaux) et diverses lésions rénales (atrophie, malformations, tumeurs…) ; côté foie, des tumeurs et diverses lésions dégénératives ; côté rate, des tumeurs, à nouveau, des abcès, des torsions ; on trouvera aussi des corps étrangers et diverses inflammations dans l’estomac et l’intestin, des inflammations du pancréas, des tumeurs des ganglions ou des glandes surrénales et parfois même, un épillet de folle avoine qui se promène au milieu de tout ça. La liste est loin d’être limitative ! Prêts à cliquer ? Go !
Avant l’échographie de quoi disposions-nous pour reconnaître et explorer une maladie cardiaque ? L’auscultation, bien sûr : on pouvait entendre des battements plus ou moins réguliers, un souffle que l’on s’attachait à décrire, des bruits plus ou moins assourdis, et parfois plus de bruit du tout, ce qui était toujours un peu inquiétant. Et puis il y avait l’électrocardiogramme (ECG) pour caractériser les troubles du rythme, et la radiographie, mais qui ne nous montrait qu’une silhouette. L’arrivée de l’échographie a révolutionné la cardiologie, en permettant d’observer le cœur en mouvement, l’épaisseur des parois, la taille des cavités, les flux sanguins à l’intérieur du cœur et dans les vaisseaux grâce aux dopplers, etc.
Parmi les anomalies que nous révèle l’échographie, certaines sont présentes dès la naissance (malformations congénitales), donc potentiellement (mais pas toujours) détectables lors des premières visites (on entend un souffle à l’auscultation, alors on va y voir de plus près) ; d’autres n’apparaîtront qu’au cours de la vie (cardiopathies acquises), suite à une maladie dégénérative, une infection, une tumeur… Quelques exemples ci-dessous, qui seront davantage détaillés dans notre fiche Cardiologie.
(Photo ci-contre : important reflux à travers la valve mitrale, chez un Cavalier King Charles de 5 ans atteint de maladie valvulaire dégénérative mitrale)
La photo du haut montre un épanchement pleural chez un chat : même si certains éléments (par exemple la trachée soulevée), nous laissent supposer une origine cardiaque, l’épanchement masque la majeure partie du thorax, et ce n’est qu’après élimination du liquide que les structures thoraciques deviennent visibles (photo du bas). L’échographie, au contraire, aurait permis de voir en quelques minutes ce qui se passe à l’intérieur du liquide.
Petite précision : le cœur se situe évidemment dans le thorax, mais vu l’importance de l’échographie cardiaque, nous l’avons traitée à part. Ce chapitre concerne donc les autres structures thoraciques : poumons, espace pleural, médiastin, ganglions, vaisseaux sanguins…
On l’a vu plus haut, l’air arrête les ultrasons. Or les poumons sont, par nature… remplis d’air (du moins si tout va bien, et qu’on n’est pas en train de boire la tasse). L’échographie ne sera donc pas la technique idéale pour aller voir un petit nodule perdu au milieu des poumons : là, on sera plutôt dans les indications de la radiographie. Il existe cependant des exceptions notables, par exemple une masse collée à la paroi thoracique : dans ce cas, il n’y aura pas d’air pour faire obstacle entre la sonde de l’échographe et la lésion. Autre cas de figure, lorsqu’un tissu solide ou, plus fréquemment, un épanchement liquidien, viennent s’intercaler entre la paroi thoracique et la région que l’on veut observer, prenant du même coup la place de l’air qui empêchait le passage des ultrasons. Il peut s’agir d’un lobe pulmonaire densifié par une forte inflammation ou une infiltration tumorale, ou d’un épanchement d’origine cardiaque, inflammatoire, infectieuse, hémorragique, tumorale… La radiographie ne nous montrera alors qu’une plage grise et homogène recouvrant une partie de la surface du thorax (photos de gauche), mais sans nous éclairer sur la nature et l’origine de l’épanchement. L’échographie, en revanche, nous permettra de regarder ce qui se passe à l’intérieur du liquide.
Il serait réducteur de penser que l’échographie vétérinaire se limite aux domaines déjà abordés : chercher un abcès dans une prostate, une valvule cardiaque déformée, éventuellement une tumeur au sein d’un épanchement pleural. Mais l’échographie peut être utilisée dans beaucoup d’autres indications, souvent considérées comme marginales, mais qui peuvent nous faciliter grandement la tâche et in fine, sauver la vie d’un animal. Par exemple, dès que l’herbe commence à pousser, nous utilisons quasi quotidiennement l’échographie pour identifier et localiser un épillet en balade sous la peau, bien souvent loin de son point d’entrée.
L’échographie permet aussi de savoir ce qui se passe à l’intérieur d’une masse cutanée : renferme-t-elle du liquide (abcès, kyste…) et si oui, quelle en est la nature ? est-elle tissulaire ? (tumeur que l’on pourra ponctionner). Ou bien va-t-on découvrir une portion d’intestin ou tout autre organe qui se promène à l’intérieur ? (dans le cas d’une hernie ; et là, non seulement on a le diagnostic tout de suite, mais accessoirement, c’était bien de le savoir avant d’aller y planter une aiguille !)
On utilise aussi l’échographie en ophtalmologie, pour examiner l’intérieur d’un œil, notamment lorsque la cornée de celui-ci est opaque, et rechercher alors une tumeur, un décollement de rétine… L’échographie permet aussi l’examen des tissus en arrière de l’œil.
Quelques exemples ci-dessous
Epillet en promenade dans une fistule, sous la peau d’un chien : on peut voir le cône d’ombre causé par la pince qui s’apprête à saisir l’épillet pour le sortir du corps de l’animal !
Ben oui, parce que regarder, c’est bien, mais une fois qu’on a vu, qu’est-ce qu’on fait ?
Des fois, le rôle de l’échographe (et de l’échographiste !) s’arrête là : les images nous ont dit ce qu’on voulait savoir, pas besoin d’aller plus loin dans le diagnostic. On prescrira un traitement pour ce cœur très abimé. Sur cet abdomen complètement envahi de tumeurs, il n’y aura malheureusement pas grand chose à faire, il ne serait ni raisonnable, ni nécessaire de pousser les investigations plus loin.
Et puis d’autres fois, on voit quelque chose d’anormal, un épanchement, une masse, un gros ganglion… et on voudrait bien savoir ce qu’ils font là : alors d’abord on va ponctionner la région anormale, voir ce qui en sort (du sang ? un liquide clair ? purulent ? un contenu tissulaire ?), l’analyser (coloration et observation sur place au microscope), et si nécessaire l’envoyer à un laboratoire extérieur (pour une bactériologie, un autre avis sur des cellules…)
Donc ça y est ; on a notre diagnostic, on va pouvoir traiter par médicaments, ou partir en chirurgie. Mais dans certains cas, l’échographie va nous permettre d’accomplir un geste thérapeutique dans la foulée de la démarche diagnostique et là, c’est vraiment le top !
Quelques exemples ci-dessous.
Cytoponction d’un nodule, dans la rate d’un beauceron de 8 ans : l’examen du prélèvement montrera qu’il s’agissait d’un sarcome histiocytaire.
UN EXEMPLE DE DIAGNOSTIC échographique
Le cas de
Cachou
Cachou est une chienne Pearson Russel Terrier, non stérilisée, âgée de sept ans. Depuis 48 heures, la petite chienne est très abattue, et vomit en permanence. Elle nous est présentée un lundi après-midi, après avoir reçu les premiers soins pendant le week-end dans un service d’urgences, où une infection de l’utérus a été soupçonnée.