Mignonne et Sylvie, levrettes de la meute de Louis XV. Jean-Baptiste Oudry, 1728
Cadet Rousselle a trois gros chiens, L’un court au lièvre, l’autre au lapin, Le troisième fuit quand on l’appelle…
Gaspard de Chenu, 1792
Rien de plus énervant qu’un chien qui fugue. Enfin si, il y a des choses plus énervantes dans la vie, mais un chien qui fugue fait tout de même partie des choses très énervantes. On rentre chez soi le soir, ou bien on appelle son chien parce que c’est l’heure de manger, ou encore on se promène dans la campagne avec son chien… et tout d’un coup, on réalise que le chien n’est plus là ! Alors forcément, on se pose plein de questions : où est-il encore passé, cet animal ? Dans quelle direction est-il parti ? Va-t-il savoir revenir ? Et s’il provoque un accident ? Et s’il mord quelqu’un ? Et s’il tue le chat de la voisine, ou fait un carnage dans un poulailler ? Et s’il est capturé et qu’on l’emmène à la fourrière ? Et si c’est le voisin qui le ramène en disant que c’est la cinquième fois de la semaine qu’il le trouve chez lui en train d’embêter ses chiennes qui sont en chaleurs, et que la prochaine fois, il lui flanque un coup de fusil ?
Nous allons donc envisager, dans un premier temps, les principales raisons qui peuvent conduire un chien à se sauver, avant de voir ce qu’on peut faire pour (essayer de) l’en empêcher.
Fuguer le jour, déjà, c’est amusant, mais alors la nuit, c’est le top du top !
Mais pourquoi donc fugue-t-il, ce chien ?
On va être un peu schématique : il existe deux grandes catégories de chiens qui fuguent. Ceux qui ont juste envie d’aller se balader, et qui reviennent ensuite : ceux-là ne présentent pas de trouble du comportement, tout va bien dans leur tête. Et ceux qui se sauvent à cause d’un trouble du comportement : crises de panique, défaut d’auto-contrôle… ceux-là demanderont une prise en charge un peu plus spécifique. Voyons tout cela dans le détail.
Le chien est normal
… si tant est que « normal » veuille dire quelque chose, mais ce serait un autre débat. Ce qu’on veut dire par là, c’est que le chien n’a aucun trouble du comportement, encore moins un trouble psychiatrique, il se trouve seulement que ce qui se passe à l’extérieur est beaucoup plus intéressant que ce qui se passe à la maison ! C’est aussi simple que ça.
On pourra citer, en vrac :
- Le chien qui reste seul toute la journée (ou même la demi-journée), pendant que ses maîtres sont au travail, ou dont on n’a pas le temps de s’occuper quand on est là, tandis qu’il se passe tellement de choses passionnantes de l’autre côté de la clôture ! des enfants qui jouent au bout de la rue, le voisin qui donne un petit truc à manger à chaque fois qu’on lui rend visite, les chiens du quartier qui traînent deux rues plus loin, des vélos ou des autos qui passent…
Le blanc et orange, c’est Ran Tan Plan, ça fait une heure qu’il s’était sauvé, et le voilà qui revient avec un nouvel ami. Ils ont bu un coup, puis ils sont repartis tous les deux, et Ran Tan Plan n’est revenu qu’une heure ou deux plus tard. Quelle bonne après-midi ! Beaucoup plus amusante que si on était resté couché devant le radiateur !
- Le chien qui a envie de chasser : le lapin si on est à la campagne, ou les poules de la voisine (c’est très amusant, elles se sauvent quand on leur court après), voire même les moutons, dans les cas les plus graves. On aurait pu classer cette raison de fuguer dans la catégorie précédente, mais un instinct de chasseur, c’est quand même un peu à part.
- Le chien mâle qui sent des chiennes en chaleurs… et il peut les sentir de loin, le bougre ! Ou bien, même si c’est plus rare, la chienne en chaleurs qui voudrait bien se trouver un chien mâle.
- Le chien récemment adopté, qui n’a pas encore bien compris qu’il était dans sa nouvelle maison, que ces gens qui sont venus le chercher au refuge ou à l’élevage sont ses nouveaux maîtres… et qui n’a donc aucune raison de rester là. Sans compter que l’on ne sait pas ce qui a pu lui arriver dans sa (ou ses) vie(s) antérieure(s). Peut-être se sauve-t-il dans l’espoir de retrouver sa précédente maison, ou ses précédents maîtres ?
- Le chien chez qui la hiérarchie n’est pas bien en place… ou plutôt, parfaitement en place, mais avec lui tout en haut de la pyramide ! Et comme, dans la meute canine, c’est le chef qui gère l’espace et contrôle le territoire, les entrées, les sorties… Eh bien si j’ai envie de partir en balade, se dit le chien, ou de patrouiller autour de mon territoire, alors j’y vais, et ce ne sont pas les autres mâles, femelles et juvéniles de ma meute qui vont m’en empêcher ! On pourrait considérer ces fugues d’origine hiérarchique comme relevant d’un trouble du comportement, donc ne pas qualifier de « normal » le chien qui fugue pour ce motif. Oui, mais se positionner dans la hiérarchie de la meute fait partie de l’éthogramme du chien : si, par manque de connaissance du comportement canin, on lui a laissé prendre la première place dans la meute, eh bien il la prend, ainsi que toutes les prérogatives qui vont avec ; et il n’y a là rien d’anormal pour le cerveau d’un chien.
En général, les chiens qui fuguent pour un de ces motifs (sauf peut-être ceux récemment adoptés), sont des chiens qui reviennent : ils ont fait leur petit tour, ils reviennent tout contents.
En voilà un qui revient de faire son tour. On ne sait pas où il est allé ni dans quoi il s’est vautré, mais il est visiblement très content !
Un autre point qu’il faut garder à l’esprit : ce que le chien considère comme « son » territoire, « sa » maison, « son » jardin, ne correspond pas nécessairement à l’idée que nous nous en faisons, ni au plan cadastral de la commune. Donc quand le chien va faire un tour chez le voisin, pour nous, il fugue, mais lui considère peut-être qu’il n’est pas sorti de son terrain. Même chose pour la rue qui passe devant la maison, ou le chemin de campagne que l’on emprunte quotidiennement pour la promenade du soir.
Le chien présente un trouble du comportement
Plusieurs troubles du comportement peuvent faire qu’un chien ne supporte pas de rester enfermé – et parfois pour des raisons diamétralement opposées. Nous en citons quelques-uns ci-dessous, mais la liste n’est pas limitative. A noter que quelques-uns de ces troubles comportementaux font (ou feront) l’objet d’articles séparés, ailleurs sur ce site.
- Le syndrome hypersensibilité hyperactivité (HSHA) : si un chiot n’a pas appris à se contrôler, au contact de sa mère, pendant ses premières semaines de vie, (parce que la mère avait trop de chiots pour pouvoir bien s’en occuper, ou en cas de séparation alors que le chiot est encore très jeune…), il aura souvent du mal à se contrôler une fois adulte : dans les cas les plus marqués, le chien réagira exagérément à tout, dormira peu, mangera sans satiété, jouera sans retenue, mordra sans contrôle, détruira tout ce qui passe à sa portée… et son comportement exploratoire sera exacerbé ! Alors évidemment, demander à un tel chien de rester sagement couché dans son panier et de ne surtout pas sauter le grillage pendant qu’on est au travail…
Deux exemples de chiens atteints d’un syndrome HSHA : à gauche, Elsa, petit tourbillon (on le voit : sa tête est toute floue sur la photo), qui, à force de tourner dans la salle de consultation, a trouvé un lien sur lequel tirer. A droite, ce n’est plus un petit tourbillon, c’est une vraie tornade ! Certes, il n’y a rien d’extraordinaire à ce qu’un chien se montre enthousiaste pendant une consultation, mais quand il ne s’est pas posé trente secondes à la fin des deux heures que dure une consultation comportementale…
- Un syndrome de privation sensorielle : alors là, c’est un peu le contraire, autant le chien atteint d’un syndrome HSHA n’a peur de rien, autant celui atteint d’un syndrome de privation a peur de tout ! En fait, pendant les premières semaines de vie, quand un chiot entend un bruit effrayant, il a une réaction de peur, mais se rend vite compte que cela reste sans conséquence et surtout, que sa mère ne réagit pas. Il va donc se créer un « filtre sensoriel », qui ne laissera plus passer ce genre de bruit vers le centre des émotions du chiot (on simplifie). Et donc, un chien adulte équilibré ne réagira qu’aux bruits (ou autres événements) très violents, dépassant largement ce à quoi il a été habitué lorsqu’il était chiot – mais encore faut-il qu’il ait été exposé à un certain nombre de stimuli, faute de quoi son filtre sensoriel ne se sera jamais formé ! Ce sera le cas, par exemple, pour un chien élevé dans un chenil perdu en pleine montagne, au milieu des moutons et quasiment sans contact avec des humains. Celui-là, si on le catapulte à six mois dans une famille avec quatre enfants, il est probable qu’il aura du mal à s’adapter à un environnement riche en stimuli tels que des trajets en voiture, l’aspirateur, les cris des enfants, etc. Heureusement, des mécanismes adaptatifs existent, qui permettent à pas mal de ces chiens, même adultes, de s’adapter naturellement à leur nouveau milieu. Mais quand ce n’est pas le cas, c’est un coup à ce qu’un soir du 14 juillet, paniqué par le feu d’artifices, le chien défonce le grillage et parte en courant droit devant lui, sans s’arrêter. Evidemment, ça marche aussi avec le tonnerre, les coups de fusil…
Ci-contre : voici Naya, Berger blanc suisse tout juste sortie de son élevage, où elle a vécu jusqu’à l’âge de six mois dans un petit enclos, quasiment sans contact avec le monde extérieur : si elle pouvait disparaître sous la chaise ou rentrer dans le mur, elle le ferait volontiers ! Outre un tableau assez complet de syndrome de privation sensorielle, il semblait évident pour sa propriétaire que si on lâchait Naya en promenade, elle partirait droit devant, et on ne pourrait pas la rattraper ! Après la mise en place d’un traitement et d’une thérapie adaptés, une nette amélioration du comportement de Naya a été constatée, deux mois après la visite initiale.
- L’anxiété de séparation, et les hyperattachements : bon, ça rejoint quelque part le syndrome de privation, mais avec tout de même des mécanismes un peu plus spécifiques, particulièrement propices au déclenchement des fugues qui sont notre sujet du jour. Quand le chiot grandit et ne ressemble plus vraiment à un chiot, sa mère commence à l’envoyer bouler à chaque fois qu’il s’approche. Cette rupture brutale du lien d’attachement provoque de la détresse chez le jeune chien, mais ça ne dure pas : il trouvera vite d’autres figures d’attachement à l’intérieur du groupe. Le problème, c’est que nous ne sommes pas des chien(ne)s : qui aura le cœur d’envoyer bouler le petit chien orphelin qu’on a nourri au biberon, en lui disant que maintenant c’est bon, il a cinq mois, il peut bien se débrouiller tout seul ? Pas grand monde. Donc, pas de rupture du lien d’attachement, le petit chien continuera à vivre collé à sa maman ou à son papa, mais gare au jour où, pour une fois, il se retrouvera tout seul sans son être d’attachement près de lui, parce que là, il se sentira perdu pour de bon et ce sera un coup à ce que comme précédemment, pris de panique, il défonce la clôture pour partir en courant droit devant lui ! Un peu différent, mais avec sensiblement le même résultat : l’hyperattachement secondaire, quand un chien adulte recueilli ou adopté, développe un très puissant attachement vis à vis de son sauveur ou de sa sauveuse (si si, ça existe, on pourrait même dire « sauveresse »).
- Le syndrome confusionnel du vieux chien : Perdre la tête au point de fuguer de son EHPAD et partir droit devant soi en pyjama et pantoufles avant d’être retrouvé trois jours plus tard, transi de froid entre deux buissons… il n’y a pas qu’aux gens que ça arrive, les chiens font ça très bien aussi ! En général, ça s’accompagne d’autres symptômes comme des déambulations nocturnes, l’oubli de tout ce qu’il avait appris, rester planté devant un mur…
Dans les fugues du chien « normal », on l’a vu, l’animal fugueur revient quand il a fini sa balade. Chez les fugueurs « pathologiques », il est probable qu’un chien atteint d’un syndrome HSHA finira par revenir après avoir épuisé tous les centres d’intérêt du quartier ; en revanche, il n’est pas du tout sûr qu’on voie revenir le chien paniqué, parti droit devant lui au grand galop, ni a fortiori le vieux chien désorienté qui ne sait plus où il habite (au sens propre, comme au sens figuré).
Que faire, pour l’empêcher de fuguer ?
La clôture, et autres procédés coercitifs
Alors, on va être pragmatique : avec une bonne clôture, il n’y a plus de fugue. Faire de l’éducation, restaurer la hiérarchie, a fortiori prendre en charge un syndrome HSHA ou un syndrome de privation… c’est bien, c’est nécessaire, il faudra de toute façon en passer par là… mais ça va prendre un peu de temps, et d’ici là, on tremblera à chaque fois qu’on s’en va en laissant le chien, à l’idée que cet animal va encore se sauver, peut-être mordre quelqu’un, provoquer un accident, être blessé, voire embarqué par la fourrière ! Donc il faut d’abord arrêter l’incendie et pour ça, on clôture.
Alors ce n’est pas toujours facile, me direz-vous. Certains chiens sont très forts pour passer au-dessus (« on n’aurait jamais cru qu’il puisse sauter aussi haut ! »), en-dessous (« pourtant, c’est un épagneul breton, pas un chien de terrier ! »)… ou pour tout défoncer au milieu (photo ci-contre). Si l’on a affaire à un chien fugueur, il faudra donc une clôture haute, (2 mètres ne font pas peur à certains chiens – pour un chi hua hua, 50 cm devraient suffire), solide, si nécessaire enterrée de 20 à 30 cm et/ou avec des piquets insérés entre les poteaux… mais vous trouverez sans difficulté des sites beaucoup plus qualifiés que celui-ci pour apprendre à poser une clôture.
S’il est vraiment difficile de clôturer le terrain, la construction d’un enclos ou d’un chenil, dans lequel le chien est momentanément enfermé en l’absence de ses maîtres, peut être une solution, à condition que cet enclos soit suffisamment grand, dispose d’un abri protégeant l’animal des intempéries, etc : il s’agit d’ailleurs là d’obligations légales ! En tout cas, ce sera toujours mieux que de laisser son chien toute la journée à l’attache.
La chienne a défoncé la première clôture (flèches), une seconde a été ajoutée pour colmater, et a l’air de vouloir tenir – pour l’instant !
Après, bien sûr, le portail, toujours fermé. Si on doit l’ouvrir, par exemple pour sortir la voiture, soit le chien est enfermé dans la maison et on ne le laisse ressortir qu’après, soit quelqu’un le tient en laisse pendant la manœuvre, soit on peut instaurer une sorte de rituel : on fait monter le chien dans la voiture (pour la plupart d’entre eux, c’est la fête !), et une fois la voiture sortie, on le fait descendre et on le remet dans la cour avec quelques caresses, voire une friandise ; comme ça, on transforme un moment compliqué en un rituel festif. Bon, tout ça, ce sont des conseils de bon sens, rien de particulièrement sophistiqué comportementalement parlant ; ce qu’il faut en retenir, c’est que par définition, si le terrain est bien clôturé, le chien ne fuguera plus.
Sinon, ce n’est pas vraiment une mesure coercitive, ou alors une coercition virtuelle, mais il existe des GPS à fixer au collier du chien, qui transmettent à votre téléphone sa géolocalisation, bien sûr, mais aussi l’historique de ses déplacements, une alerte lorsqu’il franchit les limites du terrain, etc.
Maintenant, quid des colliers anti-fugues, qui délivrent des chocs électriques ? Le principe, (il peut y avoir des variations, mais l’idée générale est toujours la même) : on enterre un fil électrique le long de la ligne que le chien ne doit pas dépasser, (généralement, proche de la clôture), et quand le chien s’approche de la zone, d’abord son collier bipe, et s’il persiste, il se prend une décharge. Disons-le d’emblée, les vétérinaires comportementalistes sont assez unaniment contre ce genre d’engin, et ce pour plusieurs raisons :
- On l’a vu, un bon nombre des chiens qui fuguent sont des chiens anxieux, ou hyperactifs et pouf, on leur envoie des chocs électriques, ce qui n’est pas franchement bon pour ce qu’ils ont. Certains vont s’en trouver complètement inhibés, vivant dans la crainte constante de se prendre une décharge sans trop comprendre pourquoi ni comment.
- Si le chien s’approche de la clôture, ce n’est pas toujours pour s’enfuir, mais aussi pour voir ce qui se passe dans la rue, les gens qui promènent leur chien, le passage du facteur, et pourquoi pas les enfants de la maison qui rentrent de l’école… et là, à chaque fois qu’il s’avance pour dire bonjour en remuant la queue, il se prend un choc électrique ! Donc dans sa petite tête de chien, se fait très vite l’association : enfants, chiens, passants, facteur qui passent dans la rue, voire qui rentrent à la maison = choc électrique. Pas génial pour la socialisation.
- Autre association : bip et choc électrique. Et des bips, il y en a souvent dans une maison : téléphone, micro-onde… donc encore une source d’anxiété qui surgit n’importe quand dans la journée.
- Et puis on parle, à la base, de chiens dont la passion est de fuguer, donc pour certains, collier ou pas collier, la tentation est trop forte et ils vont sauter la clôture, même au prix d’un bon choc électrique. Le problème, c’est que quand ils voudront revenir, après avoir fait leur petit tour, là aussi, ils prendront une décharge ! Et comme la motivation est nettement moins forte pour rentrer que pour sortir… eh bien ils resteront dehors.
Et on a gardé le meilleur pour la fin : voilà ce qui se passe quand le collier à chocs électriques n’est pas très bien réglé ! No comment.
Pas de problème, les pointes de contact du collier électrique ont bien rempli leur office ! En haut, une vue générale du cou de cette jeune Husky (sous anesthésie), et ci-dessus, deux vues rapprochées des lésions, en cours et en fin de tonte. Remarquez, en dehors des deux horribles trous, la plaque rouge et suintante qui occupe tout le dessous du cou (flèche bleue), par comparaison avec la peau normale (flèche noire) tout autour !
Pour les chiens « normaux » : l’éducation
Bon, les conseils du précédent paragraphe ont été appliqués, la propriété est maintenant bien clôturée, donc le problème de fugue au sens strict est réglé. (Ou devrait l’être !)
Mais on l’a vu, si le chien fuguait, c’est qu’il avait une (bonne ?) raison de le faire : il s’ennuyait chez lui, il avait envie d’aller chasser ou courir, il venait d’arriver dans la famille et dans la maison, ou encore la hiérarchie n’était pas bien en place dans la meute familiale. Donc, même si la nuisance a été réglée, ça reste une bonne idée d’en traiter la cause, sinon les problèmes risquent de ressurgir plus tard sous une autre forme… et puis c’est une façon de se préoccuper du bien-être du chien.
Alors, nous donnons ci-dessous quelques éléments de réponse aux différentes situations : ils ne règleront pas tout en une semaine, et si les grands principes sont faciles à énoncer et apparemment de bon sens, ils ne sont pas toujours faciles à mettre en œuvre dans la vraie vie ! Donc ne pas hésiter à demander conseil à son vétérinaire, et à se faire assister par une éducatrice ou un éducateur canin.
- Enrichir le milieu : on l’a vu, l’une des principales causes de fugue, c’est que Snoopy s’ennuie à la maison, tandis qu’il se passe plein de choses intéressantes, ailleurs dans le quartier. Bon, plus facile à dire qu’à faire, surtout quand on n’est pas là de la journée. Si le chien fugue même quand on est là, l’une des solutions consiste à instaurer plusieurs périodes de jeu réparties dans la journée, pas forcément longues mais bien ritualisées, (donc que Snoopy attendra), et pendant lesquelles on sera à fond sur lui.
On peut aussi, en parallèle, essayer de rendre le milieu extérieur moins attractif : on ne peut pas demander aux enfants qui jouent au bout de la rue de se taire et de rentrer chez eux, mais on peut toujours demander au voisin de ne plus donner des friandises à Snoopy quand il le voit arriver, en lui expliquant les risques d’accident, etc. Et puis on peut aussi offrir à Snoopy une Snoopynette, en espérant qu’ils trouveront à s’occuper tous les deux dans le jardin, et n’éprouveront pas le besoin d’aller chercher ailleurs… le risque étant qu’au lieu d’avoir un seul chien qui fugue, on se retrouve avec deux !
Y’a pas à dire, fuguer à deux, c’est encore mieux !
- Restaurer la hiérarchie : l’une des prérogatives du chef de meute, c’est le contrôle de l’espace : qui peut aller où, qui peut entrer, qui peut sortir… Donc, hors de question pour Rex qu’on lui impose des limites territoriales ! Non mais ! La restauration d’une hiérarchie claire sera donc une condition nécessaire (mais pas forcément suffisante !) pour empêcher un chien de fuguer. Evidemment, on est là sur du travail de long terme : il s’agit de changer la perception que Rex a de lui-même et de sa place dans le groupe, donc on a intérêt à disposer d’autres leviers si on veut que le chien arrête de fuguer avant la fin de la semaine ! Mais de toute façon, une hiérarchie bien en place est indispensable pour que la cohabitation avec un chien se passe bien. Donc, même si un travail sur la hiérarchie n’a pas des effets immédiats sur la question des fugues, ce ne sera jamais du temps de perdu. Remettre en place la hiérarchie ne consiste pas à crier sur son chien, encore moins à lui taper dessus : il s’agit de lui reprendre les prérogatives qu’il aurait pu s’approprier dans les domaines de l’alimentation, de l’espace et des contacts avec les autres membres du groupe. Un article de ce site sera consacré à ce sujet, et pour les cas sérieux, (ou en prévention chez le jeune chien), il sera intéressant de demander conseil à votre vétérinaire ou à un(e) éducateur/trice. Faire quotidiennement exécuter à Rex quelques exercices d’obéissance de base, (assis, couché, donne la patte…), avec un renforcement positif (friandise, caresse…) en cas de bonne réponse, est aussi un bon moyen d’affirmer sa suprématie par rapport au chien.
- Lui apprendre le rappel ! Ben oui, quand il est question de fugue, que le chien ait un bon rappel, c’est quand même la base, non ? On peut considérer le rappel comme faisant partie de la hiérarchie dont on vient de parler, mais dans un article consacré au chien qui fugue, il mérite bien un paragraphe à part. Pour commencer, c’est une évidence, mais l’apprentissage du rappel n’aura aucun intérêt si le chien fugue en votre absence. Il sera, en revanche, essentiel en promenade, ou si Snoopy s’enfuit dès qu’on ouvre le portail. La technique de base est simple, surtout si l’on s’y prend jeune – évidemment, si on commence quand le chien a huit ans et n’a jamais obéi de sa vie, ce sera plus compliqué. Donc, le principe : on commence dans la maison, à un moment où tout est calme. (Si les enfants se courent après dans la même pièce, c’est même pas la peine). On appelle Snoopy avec un ordre bref, toujours le même, après l’avoir éventuellement appelé par son nom pour attirer son attention : « Snoopy ! Ici ! » (ou « Viens », ou « Au pied », ou ce qu’on veut, mais toujours sur un ton joyeux et engageant). On peut aussi joindre le geste à la parole et se pencher en avant, ou écarter les bras, ou se taper sur les cuisses, ou toute autre attitude encourageante – et on sourit. Une fois qur Snoopy a obéi, même si cela a pris un peu de temps, on le récompense avec des caresses, des félicitations et une gourmandise. L’entraînement doit, bien sûr, être quotidien (ou presque) : si on le fait une fois tous les quinze jours, il est peu probable que ça marche. Une fois cette première phase bien acquise, on recommence tout, cette fois dans le jardin, puis en milieu ouvert avec une longe (bien dix mètres, la longe), puis en milieu ouvert sans longe. Tout cela peut prendre du temps : on ne passe à l’étape suivante que quand la précédente est bien acquise. Il est évidemment possible de demander de l’aide à un(e) professionnel(le) si on n’y arrive pas. Un point important, pour terminer : l’ordre de rappel doit être donné très tôt, dès que le chien démarre. S’il est déjà à trente ou quarante mètres, complètement surexcité, à la poursuite d’autres chiens, à moins de lui avoir fait subir un entraînement quasiment militaire, il y a peu de chances qu’il obéisse !
- Et pour finir, quand Rex finit par revenir, tout mouillé, mais tout content, après une demi-heure de balade sous la pluie… on évite de le gronder et de lui en coller une, sinon la prochaine pas, il ne reviendra pas du tout !
S’il y a trouble du comportement : la thérapie
Pour les chiens qui présentent un trouble du comportement, les fugues ne sont souvent que l’un des aspects du comportement anormal du chien : on trouve généralement, associées aux fugues, des destructions, de l’agressivité, des manifestations de peur, de la malpropreté, etc. Chez ces chiens, il n’y aura pas de recette miracle : le problème ne pourra être résolu qu’en déterminant, lors d’une consultation comportementale, le trouble du comportement en cause, afin de pouvoir le traiter.
Et si on le castrait ?
On parle souvent de la castration pour empêcher les chiens mâles de fuguer : la castration sera efficace à (presque) 100 % chez les chiens qui fuguent exclusivement pour aller rejoindre des chiennes en chaleurs. Une étude polonaise de 2022 a évalué l’effet de la castration sur le comportement des chiens, d’après les réponses de 386 propriétaires à un questionnaire. Il apparaît que le pourcentage de chiens ayant l’habitude d’aller « rôder » est passé de 26,7% (103/386 chiens) avant la castration à 10,6% (41/386) après. Le pourcentage de chiens « léthargiques » ou peu actifs a nettement augmenté, tandis que celui des chiens actifs et hyperactifs diminuait significativement. Il est à noter que dans cette enquête, le terme « hyperactif » semble avoir été pris dans le sens commun d’un chien très remuant, et non dans son acception médicale/comportementale de chien souffrant d’un déficit des auto-contrôles. En revanche, la castration n’a pas eu d’effet positif sur l’anxiété, le nombre de chiens présentant des comportements anxieux augmentant, au contraire, après castration.
Donc, on a bien une diminution des fugues après castration… mais avec quand même 40/386 chiens qui continuent à fuguer, comparés aux 103/386 de départ. Les propriétaires de chiens fugueurs doivent donc être prévenus que la castration va diviser par un peu plus de deux la probabilité que leur chien continue à rôder, mais ni plus ni moins. En revanche, logiquement, la castration n’aura pas d’effet sur les chiens qui fuguent à cause d’un trouble du comportement, en particulier les chiens anxieux qui s’enfuient droit devant lors de crises de panique, ni probablement ceux présentant un « vrai » syndrome HSHA.
A noter qu’on ne trouve pas grand chose dans la littérature quant à l’influence de la stérilisation sur les chiennes fugueuses, à croire que seuls les mâles non castrés ont l’habitude d’aller rôder hors de chez eux…
Notons qu’il existe maintenant des implants de desloréline, véritable castration chimique, sans effet secondaire, et avec une durée d’action allant de six mois à près de deux ans, selon le poids du chien et le dosage de l’implant : ceci permet d’évaluer l’efficacité de la castration chez un chien fugueur, sans pour autant pratiquer une intervention irréversible. Attention, l’implant augmente le comportement « mâle » du chien pendant quelques semaines, avant que l’effet « castration chimique » se fasse sentir !
L’identification : indispensable !
On va faire court : tout est dans le titre.
D’abord, identifier son animal, (chien, chat, mais aussi furet), par tatouage ou par une puce électronique, est une obligation légale, donc pas le choix. (Voir la page de ce site consacrée à l’identification).
Plus spécifiquement par rapport au sujet des fugues qui nous intéresse ici, si votre chien se perd ou qu’il est accidenté, vous serez contacté et vous pourrez donc le récupérer. Ceci est particulièrement important si votre chien se retrouve en fourrière, parce que là, à l’issue d’un délai de garde de huit jours ouvrés, si l’animal n’a pas été réclamé par son propriétaire, il est considéré comme abandonné et devient la propriété du gestionnaire de la fourrière : il pourra donc être mis à l’adoption… ou euthanasié « en dernier recours », s’il ne semble pas adoptable et/ou si la fourrière est surchargée. Alors bon…
Ci-contre : tatouage dans l’oreille d’un épagneul, toujours bien visible une dizaine d’années après sa réalisation. Ci-dessus : une puce électronique, entre son injecteur et une pièce de 10 centimes, pour avoir une idée de l’échelle. La photo commence à dater, les puces actuelles sont encore plus petites : 3 à 4 mm de long sur 1 mm de diamètre, soit la taille d’un grain de riz.