
Qu’est-ce que c’est, une grossesse nerveuse ?
La grossesse nerveuse, (on parle aussi de pseudogestation, ou de pseudocyèse), est un phénomène qui concerne uniquement les chiennes non stérilisées.
Dans les semaines (deux mois maximum) qui suivent la fin des chaleurs, la chute du taux de progestérone et l’augmentation du taux de prolactine déclenchent les mêmes manifestations que si la chienne était gestante, ou venait de mettre bas :
D’un point de vue physique, les mamelles gonflent et il peut y avoir production de lait (photo ci-contre), parfois en grande quantité.
D’un point de vue comportemental, la chienne semble inquiète, tremble, suit ses propriétaires partout (elle est collante). Son appétit est souvent diminué, et parfois elle arrête complètement de manger. Dans les cas les plus marqués, elle fait un nid, s’empare d’objets qu’elle « couve » et materne (photo ci-dessous), creuse des trous un peu partout…


Est-ce grave, Docteur ?
Oui et non !
En soi, une grossesse nerveuse n’est pas quelque chose de dramatique. Dans la plupart des cas, elle passe toute seule en une à trois semaines (parfois jusqu’à six). Certains considèrent même qu’il s’agit d’un mécanisme naturel et adaptatif : en effet, dans une meute, (ou d’ailleurs dans une maison où vivent plusieurs chiennes), les cycles sont généralement synchronisés, chaleurs et mise-bas – et grossesses nerveuses – se déclenchant en même temps. Les chiennes qui n’ont pas reproduit et qui font une grossesse nerveuse sont alors disponibles pour donner leur lait à des chiots que leur mère ne peut pas nourrir (chiots orphelins ou surnuméraires, par exemple). De même, chez les loups, les femelles en grossesse nerveuse allaiteraient les petits des louves dominantes.
Alors, pourquoi s’en faire ?
D’abord, parce que certaines chiennes le vivent mal, et leurs propriétaires encore plus : il est tout de même perturbant de passer plusieurs semaines à regarder sa chienne qui ne mange pas, qui vous suit partout en gémissant, qui fait des trous partout dans le jardin, et qui vole des objets pour aller les couver dans son panier. D’autant que cela va se reproduire tous les six mois, car une chienne qui fait une grossesse nerveuse en refera généralement aux chaleurs suivantes. D’un point de vue physique, l’accumulation, dans les mamelles, d’un lait qu’aucun chiot n’est là pour têter, est parfois telle que cela provoque chez la chienne une gêne, de la douleur, et une inflammation (mammite), voire un abcès de la mamelle (qui peut se perforer), dans les cas les plus graves.
Esuite, et c’est plus embêtant, parce qu’on sait que les chiennes qui font des grossesses nerveuses auront un risque augmenté de présenter d’autres maladies de l’appareil reproducteur, infections de l’utérus et surtout tumeurs mammaires.
Et donc, que faire ? (et ne pas faire ?)
D’abord, (mieux vaut prévenir que guérir), stériliser les chiennes que l’on ne pense pas faire reproduire. Il est faux de penser qu’une chienne doit absolument avoir des petits une fois dans sa vie, que c’est bon pour sa santé, etc. Au mieux, ça ne changera rien, au pire, elle risque d’avoir des problèmes pendant la gestation ou au moment de la mise-bas. En revanche, la stérilisation supprime le risque de grossesse nerveuse et d’infection de l’utérus. Pratiquée jeune, elle diminue considérablement le risque de tumeurs mammaires.
Si la grossesse nerveuse n’est pas trop importante, et ne gêne ni la chienne ni ses propriétaires, il n’est pas indispensable de traiter (juste envisager la stérilisation pour éviter que cela se reproduise à chaque fois, et conduise à d’autres problèmes à la longue). En revanche, si les manifestations de grossesse nerveuse sont gênantes, il sera préférable de présenter la chienne à votre vétérinaire.
La première chose à faire sera de s’assurer qu’il s’agit bien d’une grossesse nerveuse… et pas d’une vraie gestation ! un examen clinique (palpation de l’abdomen) suffira dans certains cas à vérifier qu’aucun fœtus n’est présent, mais de l’imagerie (radiographie et surtout échographie), sera parfois nécessaire, en particulier sur les chiennes un peu grasses, ou tout au moins ayant un ventre large et difficile à palper (photos ci-dessous).
Echographie et radiographie, montrant la présence de fœtus chez une chienne : oups ! ce coup-ci, il s’agit d’une vraie gestation, pas question de traiter pour une grossesse nerveuse !
Le traitement consiste à administrer un inhibiteur de la sécrétion de la prolactine. Une semaine de traitement, parfois un peu plus, est souvent nécessaire pour faire disparaître la lactation. En revanche, il est déconseillé d’utiliser des stéroïdes sexuels (œstrogènes, androgènes, progestagènes comme l’acétate de mégestrol…), aujourd’hui abandonnés car responsables de nombreux effets secondaires (infections utérines et tumeurs mammaires, notamment).
En parallèle, il convient d’éviter tout ce qui peut entretenir, voire stimuler, la production de lait : donc, on ne va pas tirer le lait de la chienne en pensant que lui vider les mamelles va la soulager. Dans le même ordre d’idée, on pourra être amené à lui faire porter une collerette si elle se lèche continuellement les mamelles, et à éloigner les autres animaux qui seraient tentés de la téter. On tiendra aussi à l’écart les animaux de la maison (notamment les très jeunes) si l’on constate que leur présence stimule des comportements de maternage. Toujours dans le domaine du maternage, on pourra aussi retirer à la chienne les objets qu’elle couve. On l’ignorera (sans forcément la repousser) lorsqu’elle se montre collante, tout en la réorientant si possible vers d’autres activités comme des jeux, des promenades…
Et surtout, attention : on a parlé de la stérilisation comme moyen de prévention, mais ce n’est en aucun cas un traitement, au contraire ! En effet, le retrait des ovaires supprime totalement la production de progestérone, entraînant une augmentation brutale du taux de prolactine… et on a vu que c’était ce qui déclenchait la lactation ! Idéalement, l’ovariectomie doit donc être pratiquée en période d’anœstrus, c’est à dire quand on n’observe aucun signe d’activité ovarienne. En particulier, dans le cas d’une chienne présentant une lactation de pseudogestation, il est important de s’assurer que la lactation est complètement terminée avant d’envisager l’ovariectomie.
