Leptospira interrogans, au microscope électronique à balayage. Image credit : CDC/NCID/HIP/Janice Carr.

La leptospirose est une maladie infectieuse due à… des leptospires. Il s’agit d’une maladie grave qui menace nos chiens, particulièrement ceux vivant à l’extérieur, mais peut aussi affecter l’Homme.

Une transmission par les urines

Les chiens attrapent la leptospirose directement, au contact de rongeurs, mais surtout indirectement, en buvant ou en se baignant dans des eaux douces contaminées par des urines de rats, (ou de ragondin, ou de chien…), porteurs et excréteurs de leptospires.

Une transmission par les urines

Les chiens attrapent la leptospirose directement, au contact de rongeurs, mais surtout indirectement, en buvant ou en se baignant dans des eaux douces contaminées par des urines de rats, (ou de ragondin, ou de chien…), porteurs et excréteurs de leptospires.

Une maladie très souvent mortelle

La maladie se traduit essentiellement par une atteinte des reins (entraînant un abattement, des vomissements…), et du foie (entraînant une jaunisse…)

Il est relativement aisé de tuer les leptospires avec des antibiotiques, mais l’atteinte des reins et du foie peut s’avérer irréversible. Un chien a environ une chance sur deux de guérir de sa leptospirose.

Une maladie très souvent mortelle

La maladie se traduit essentiellement par une atteinte des reins (entraînant un abattement, des vomissements…), et du foie (entraînant une jaunisse…)

Il est relativement aisé de tuer les leptospires avec des antibiotiques, mais l’atteinte des reins et du foie peut s’avérer irréversible. Un chien a environ une chance sur deux de guérir de sa leptospirose.

Un vaccin quadrivalent (L4)… et des infections humaines !
Le vaccin contre la leptospirose est inclus en routine dans tous les programmes de vaccination. Les vaccins quadrivalents (L4) protègent aujourd’hui notamment contre les leptospires du sérogroupe Australis, le plus présent en France.
Attention, l’homme aussi peut attraper la leptospirose !
Un vaccin quadrivalent (L4)… et des infections humaines !
Le vaccin contre la leptospirose est inclus en routine dans tous les programmes de vaccination. Les vaccins quadrivalents (L4) protègent aujourd’hui notamment contre les leptospires du sérogroupe Australis, le plus présent en France.
Attention, l’homme aussi peut attraper la leptospirose !

La bactérie 

Les leptospires (du grec : leptos = fine, délicate, et speira = boucle, spire), sont des bactéries hélicoïdales, mobiles et munies d’un flagelle.

Alors, on ne va pas se lancer en détail dans la classification des leptospires, qui a en plus le mauvais goût d’évoluer en permanence. Une première classification, fondée sur les propriétés antigéniques de ces bactéries, divise les espèces (celle qui nous intéresse est Leptospira interrogans) en une vingtaine (ou plus) de sérogroupes, eux-mêmes divisés en 250(environ) sérovars, chacun de ces derniers comportant plusieurs souches. Comme si cela ne suffisait pas, une nouvelle classification, reposant sur des critères génétiques et non plus antigéniques, est venue compléter, ou concurrencer, l’ancienne, certains sérogroupes passant ainsi d’une espèce à une autre. Bon, ça, c’était juste pour donner un aperçu de la complexité de la chose. Ce qu’il faut en retenir, c’est qu’en France (parce qu’en plus, ce n’est pas pareil partout), la leptospirose clinique, celle qui provoque une maladie chez le chien, est due essentiellement aux sérogroupes Icterohaemorragiae (sérotypes icterohaemorragiae et copenhagi) Grippotyphosa (sérotype grippotyphosa), Canicola (sérotype canicola) et Australis(sérotype australis). On pourrait se dire que tout cela n’intéresse que quelques Professeurs Tournesol cloitrés dans leur laboratoire, mais non, parce que ces subdivisions auront un intérêt en matière de diagnostic et surtout de vaccin. En l’occurrence, il est intéressant de savoir que le sérogroupe Australis est actuellement très prédominant en France et dans les pays voisins, ce qui n’était pas le cas il y a quelques décennies.

Ceci étant dit, il faut savoir que les leptospires peuvent survivre pendant des semaines ou des mois dans un environnement favorable (zone ombragée, température supérieure à 25 °C, eau peu acide et de faible salinité).

Comment ça se transmet ?

Les leptospires peuvent persister très longtemps dans les reins d’une multitude d’animaux (toutes sortes de rongeurs, mais aussi des hérissons, des chiens, des chevaux, des ruminants, des porcins…), avant d’être éliminées dans la nature par leurs urines. Il faut savoir que parmi ces espèces « réservoir », certaines ne tombent pas malades (rats, souris, hérissons, ragondins, sangliers…) et pourront donc disséminer longtemps et tranquillement leurs leptospires sans avoir le bon goût de mourir rapidement. D’autres, en revanche, (chevaux, vaches, porcs…), développent la maladie et dissémineront donc moins longtemps. On manque de données sur les chats, mais ceux-ci n’expriment pas la maladie, et quand ils sont infectés, il semble qu’ils excrètent peu de leptospires.

Celles-ci vont donc se retrouver dans les eaux de surface des lacs, des rivières et des mares, mais aussi dans les champs boueux, les flaques le long des chemins…Les chiens se contaminent le plus souvent par l’intermédiaire de ces urines, en buvant ou en se baignant dans des flaques d’eau, ou dans un secteur d’eau stagnante dans une rivière, par exemple. (Photo ci-dessus : dans quelle mare de boue et d’eau stagnante celui-ci est-il allé se vautrer… et boire, pendant la promenade ? En tout cas, pas de doute, il est très content !). Il peut aussi y avoir contamination par contact direct avec un rongeur (ou autre animal) infecté. La majorité des cas est diagnostiquée entre juillet et décembre. Les chiens peuvent être atteints quel que soit leur âge, mais les mâles adultes, de chasse ou de grande taille, sont plus souvent infectés – probablement du fait d’un mode de vie plus rustique. Il y aurait une prédisposition du berger allemand à développer des formes de leptospirose plus sévères.

Quels symptômes chez le chien ?

L’incubation est généralement de 4 à 12 jours, mais la maladie se déclare parfois deux jours seulement après la contamination. Certains chiens décèdent en quelques heures (forme suraiguë). Plus souvent, les premiers symptômes sont de la fièvre, de l’abattement, une baisse d’appétit, des douleurs articulaires ou musculaires, une gastro-entérite hémorragique, et/ou un jetage oculaire et nasal.

En quelques jours, une insuffisance rénale s’installe chez 80 à 90 % de ces chiens, se traduisant par des vomissements, de la déshydratation, parfois des douleurs dans la région des reins à cause de la néphrite, et aussi des ulcères ou une nécrose de la langue à cause de l’urémie. Dans les cas les plus sérieux, le chien n’émet plus du tout d’urine (anurie lors d’insuffisance rénale aiguë), mais dans les cas moins graves, on peut observer au contraire une soif et une quantité d’urine augmentées.

Un ictère (= jaunisse) se développe dans 20 % des cas, à cause d’une cholestase (= défaut d’écoulement de la bile), et/ou d’une nécrose du foie (Photos ci-dessus : coloration jaune de la peau du ventre et des gencives, chez un chien atteint de leptospirose).

De façon plus inconstante, on observe des hémorragies pulmonaires, une uvéite (= inflammation de l’intérieur de l’œil), une pneumonie. L’évolution peut se faire vers une hépatite ou une insuffisance rénale chroniques.

Enfin, certains chiens infectés peuvent ne présenter aucun symptôme – tout en excrétant des leptospires !

Le diagnostic

On suspecte une leptospirose lorsqu’un chien, souvent jeune, ayant accès à l’extérieur avec la possibilité de boire dans les flaques, présente brusquement une maladie (fièvre, abattement important…) s’accompagnant d’une insuffisance rénale aiguë (urée et créatinine très augmentées), et parfois d’une insuffisance hépatique (ictère (photo de droite : même chien que ci-dessus), augmentation de la bilirubine et des enzymes hépatiques : PAL et ALAT). La présence d’une glucosurie (glucose dans les urines), traduisant une tubulopathie (atteinte des tubules rénaux), renforce la suspicion.

Il existe alors deux moyens de confirmer la suspicion :

  • La sérologie :

C’est la méthode la plus traditionnelle. Elle consiste à mettre en évidence dans le sérum du chien, des anticorps contre les différentes espèces de leptospires. Problèmes : il existe beaucoup de leptospires, il faut donc en tester beaucoup : le laboratoire de référence de l’École Nationale Vétérinaire de Lyon réalise un test d’agglutination microscopique (MAT) sur 18 sérovars, choisis parmi un choix plus large, en fonction de l’origine géographique du chien (tableau ci-dessous). La sérologie peut être positive à cause du vaccin, qui entraîne lui aussi la fabrication d’anticorps, et une sérologie positive peut être le reflet d’une infection ancienne, et non de la maladie actuelle du chien (mais tout cela est pris en compte dans l’interprétation du test). Enfin, comme il faut un certain temps (sept à dix jours au moins), pour que le chien commence à fabriquer des anticorps, la sérologie peut être négative en tout début d’infection, et ne devenir positive que pendant la convalescence.

  • La PCR :

Il s’agit d’une technique plus récente que la sérologie (mais bon, ça fait quand même pas mal d’années qu’on l’utilise), qui consiste à mettre en évidence l’ADN (= matériel génétique) de la leptospire, dans le sang ou les urines du chien. Trouver de l’ADN de leptospire dans les urines d’un chien avec des symptômes compatibles, est la preuve que l’animal est en train de faire une leptospirose. De plus, la PCR se positive plus précocément dans le cours de l’infection, que la sérologie. Problèmes : l’excrétion des  leptospires dans les urines, et leur circulation dans le sang, sont inconstantes. D’autre part, dès le début du traitement antibiotique qui va faire chuter la quantité de leptospires dans l’organisme du chien, le test a de fortes chances de devenir négatif, alors que les anticorps détectés par sérologie se promèneront dans le sang pendant encore un bon moment.

Les deux techniques sont donc complémentaires. On utilisera plutôt la PCR chez un chien malade depuis peu et qui n’a pas encore reçu d’antibiotiques, et la sérologie chez un chien infecté depuis plus longtemps et qui a déjà été traité. Dans certains cas, nous serons amenés à demander les deux analyses en parallèle.

Le traitement

L’élimination de la bactérie par les antibiotiques ne pose pas trop de problèmes : quinze jours de l’association amoxicilline-clavulanate pour détruire les leptospires en circulation, suivis par quinze jours de doxycycline pour atteindre les leptospires embusquées dans les tissus (notamment les tubules rénaux), et éviter l’évolution vers un portage chronique, sont généralement suffisants.

Là où ça se complique, c’est qu’avant d’être liquidées par les antibiotiques, les bactéries ont eu le temps de provoquer des dégâts, parfois (voire souvent) irréversibles, voire même de tuer le chien dans les formes suraiguës. En particulier les reins, et peut-être à un degré moindre le foie, sont souvent gravement atteints, et parfois irréversiblement détruits.

Le chien est systématiquement placé sous perfusion (photo de gauche). Dans certains cas, urée et créatinine commencent à descendre au bout de quelques jours, témoignant de la guérison des reins – sachant que des fois, ça diminue au début, et ça remonte ensuite. Dans d’autres cas, urée et créatinine ne baissent malheureusement pas, le chien n’urine pas malgré la perfusion de grandes quantités de liquides, et des œdèmes apparaissent. Le pronostic devient alors désespéré. Dans ces cas-là, seule une dialyse permettrait de gagner du temps et d’attendre une éventuelle guérison rénale, mais cet équipement très lourd n’est disponible, en France, que dans de très rares cliniques, des centres hospitaliers vétérinaires, ou des écoles vétérinaires.

Dans une étude portant sur 37 chiens atteints de leptospirose et traités à l’Ecole Nationale Vétérinaire de Lyon, y compris par hémodialyse pour certains d’entre eux, 22 (59 %) ont pu être rendus à leurs propriétaires, tandis que 15 (40 %) sont décédés ou ont dû être euthanasiés. Trois chiens supplémentaires étant décédés au cours des mois suivant leur sortie, des suites de l’atteinte des reins ou du foie causée par la maladie, on peut dire que la moitié des animaux sont morts de leptospirose, et qu’un chien a, grosso modo, une chance sur deux de se sortir de cette maladie.

Et en prévention ?

On peut évidemment essayer d’empêcher son chien de boire dans les flaques, le tenir en laisse pendant toute la promenade, mais selon le caractère de la bête, ce n’est pas toujours évident. (Si l’on sait qu’un point d’eau stagnante est envahi de rongeurs, on peut tout au moins choisir un autre lieu de promenade).

Le vaccin contre la leptospirose est inclus dans les programmes de vaccination de routine du chien. Il se fait en deux injections la première année, (la première injection de préférence après l’âge de trois mois), suivies classiquement d’un rappel annuel.

Le vaccin contre la leptospirose est moins efficace que d’autres vaccins (par exemple, ceux contre la maladie de Carré ou la parvovirose), et ce pour deux raisons : d’abord, sa durée d’action est relativement courte (une dizaine de mois), ce qui fait que les chiens les plus exposés (chiens militaires, chiens qui chassent au marais), pourraient recevoir trois injections de primovaccination au lieu de deux (toujours après l’âge de trois mois), et une injection de rappel tous les six mois, au lieu d’une fois par an.

Par ailleurs, jusqu’au milieu des années 2010, le vaccin n’incluait que deux souches de leptospires, appartenant aux sérogroupes Icterohaemorrhagiae et Canicola, souches « historiques » qui ne sont plus majoritaires aujourd’hui chez les chiens infectés, devancées notamment au classement par le sérogroupe Australis. Or, on l’a vu, il existe dans la nature plus de 250 sérovars pathogènes, répartis en 24 sérogroupes, dont 10 sérogroupes sont d’importance reconnue chez le chien ! (Tous ces chiffres étant, bien sûr, susceptibles d’évoluer). Et surtout, il n’y a pas d’immunité croisée entre les différents sérogroupes de leptospires. Ainsi, un vaccin à base des sérogroupes Icterohaemorrhagiae et Canicola ne protège pas contre les sérogroupes Grippotyphosa ou Australis. Par contre, une protection croisée est attendue entre les différents sérotypes d’un même sérogroupe.

Depuis la fin des années 2010, la plupart des vaccins, désignés sous l’appellation L4, intègrent donc deux souches supplémentaires : Leptospira interrogans sérogroupe Australis, actuellement très largement majoritaire chez les chiens infectés en France et dans les pays proches, et Leptospira kirschneri sérogroupe Grippotyphosa. Comme on l’a vu plus haut, il semblerait en outre que le vaccin assure un certain degré d’immunité croisée vis à vis d’autres sérovars.

Ainsi, même si ce vaccin ne protège toujours pas à 100 %, son efficacité s’est largement améliorée avec l’arrivée des L4, diminuant le risque d’attraper la maladie, et de développer les formes les plus graves.

Et nous, dans tout ça ?

La leptospirose est une zoonose. Depuis le 24 août 2023, elle a rejoint la liste des maladies à déclaration obligatoire. Sur le site Santé publique France, on peut lire en 2024 qu’on dénombre un million de cas par an de leptospirose humaine dans le monde, avec 6% de décès. « En France hexagonale, incluant la Corse, l’incidence annuelle est estimée à environ 1 cas pour 100 000 habitants depuis 2014, correspondant à environ 600 à 700 cas répertoriés annuellement par le Centre national de référence et ses laboratoires partenaires sur l’ensemble du territoire. Ce système de surveillance n’a jamais été évalué et l’exhaustivité de ce réseau n’est pas connue, avec une probable sous-estimation du nombre de cas.

Dans les Départements ou régions d’Outre-Mer et les collectivités d’Outre-Mer, la leptospirose y est endémique et l’incidence est, selon les territoires, de 10 à 70 fois plus élevée qu’en France hexagonale. Des pics épidémiques apparaissent lors de la saison des pluies ou de phénomènes climatiques inhabituels tels que les cyclones ».

Chez l’humain, le sérogroupe Icterohaemorrhagiae, agent des formes les plus graves de la maladie, représente 25 à 40 % des cas, avec un taux de mortalité de 13,6% pour les cas non soignés.

L’Homme se contamine lorsque l’une de ses muqueuses (nez, bouche, œil), ou la peau (de préférence une plaie), se trouvent au contact des sécrétions d’un animal infecté. Une morsure de rongeur marche très bien aussi ! C’est avant tout une maladie des égouttiers, qui travaillent dans des eaux stagnantes où ont uriné des rongeurs infectés – et peuvent aussi se faire mordre par ces derniers. Mais de nombreuses contaminations humaines font tout simplement suite à une baignade en eau douce, à la pêche ou au canotage. En 1998, 11 % des 834 athlètes qui participèrent au triathlon de Springfield, Illinois, attrapèrent la leptospirose en nageant dans le lac local !

Comme pour le chien, ill s’agit d’une maladie grave, pouvant se traduire par un syndrome ictéro-hémorragique (« jaunisse » associée à des troubles hémorragiques), ou plus rarement par une méningite, des troubles pulmonaires, une insuffisance rénale chronique, ou une septicémie.

En cas de suspicion de leptospirose chez un chien, les propriétaires (et le personnel soignant) devront donc prendre des précautions lorsqu’ils manipulent l’animal, et particulièrement ses urines : port de gants, lavage des mains après toute manipulation, désinfection à l’eau de javel des endroits où le chien s’est couché ou a uriné…

Les rongeurs de compagnie ne devront pas être achetés n’importe où, et il sera prudent de ne pas les laisser vagabonder en liberté sur des pelouses ou près de points d’eau où des rongeurs sauvages ont pu laisser leurs déjections… et leurs leptospires !