La teigne est une mycose provoquée par des champignons filamenteux, les dermatophytes, à la surface de la peau et à la base des phanères des mammifères : poils et griffes chez le chien et le chat… mais aussi cheveux et ongles chez l’humain ! Les dermatophytes les plus souvent rencontrés chez nos carnivores (ou rongeurs !) domestiques appartiennent aux espèces Microsporum canis et Trichophyton mentagrophytes.
La teigne, on l’a vu, est transmissible aux humains : il s’agit donc d’une zoonose. Le chat est la principale source de contamination pour l’Homme.
Comment se transmettent les dermatophytes ?
La teigne est très contagieuse. Les spores du champignon passent d’un animal à l’autre, ou d’un animal à l’humain, de deux manières :
– soit par contact direct avec la peau ou les poils d’un animal porteur du champignon,
– soit indirectement, par contact notamment avec un tissu (laine, moquette…) auquel les spores se sont accrochées. Pour l’anecdote, cette propriété est utilisée pour le diagnostic, avec la technique dite du « carré de moquette » : un carré de moquette, ou autre tissu similaire un peu râpeux, est frotté sur la peau de l’animal suspect de teigne, puis appliqué sur un milieu de culture. C’est dire à quel point une moquette, un canapé ou un pull-over peuvent accrocher et transmettre les spores de champignon !
Pour couronner le tout, ces dernières sont très résistantes dans le milieu extérieur (elles peuvent conserver leur pouvoir infectant jusqu’à un an !)
Et à quoi ça ressemble sur mon chien et sur mon chat ?
Chez le chien et le chat (en particulier le chaton), on observe, le plus souvent sur la tête, des lésions dépourvues de poils, grossièrement circulaires, et assez bien délimitées. Des pellicules (squames) sont présentes sur la peau. En général, l’animal se gratte peu, voire pas du tout.
Ci-dessus, une lésion de plus grande taille, au milieu du dos du jeune chat vu un peu plus haut avec sa teigne au bout du nez. Ci-contre : gros plan sur la lésion, dont on voit bien ici l’aspect squameux (= avec des pellicules). Pour toutes les lésions ci-dessus, la suspicion clinique de teigne a été confirmée par la mise en évidence directe, au microscope, de manchons de spores à la base des poils (voir plus loin).
Photo ci-contre : une localisation moins habituelle sur le doigt d’un jeune pinscher, avec cette lésion unique, ayant partiellement décollé (« rongé » ?) le coussinet ; on voit ici l’aspect après nettoyage de la lésion. Le diagnostic microscopique a été fait sur place (les photos sont un peu plus loin), un traitement local a été mis en place, et la lésion a bien guéri… mais six mois plus tard, des dépilations sont apparues sur les autres animaux de la maison, comme on le voit sur la photo ci-dessous : cette fois, les lésions de teigne sont bien typiques (dépilations rondes, en relief) et dans leur localisation habituelle, sur le nez et les babines d’une jeune chienne pinscher de la même maison. (Trois lésions bien nettes sont désignées par des flèches, mais on en devine d’autres probables, quoique plus discrètes (dépilations en moucheture, croûtes, squamosis…).
Une teigne plus évoluée peut s’étendre à tout le corps, avec des lésions croûteuses, s’accompagnant alors de démangeaisons. Au contraire, certains animaux (notamment des chats), peuvent être porteurs de teigne – et contagieux – sans présenter la moindre lésion.
Plus rarement, on observe au bout du museau d’un chien une lésion circulaire, saillante, très inflammatoire et parfois purulente, appelée “kérion”. Le chien contracte ce dermatophyte en fouissant dans le sol… ou en jouant avec un hérisson porteur de Trichophyton erinacei !
Chez l’humain, la teigne se présente sous la forme de lésions rondes, bien délimitées, rougeâtres et qui grattent. On parle de lésions “d’herpès circiné”. On les trouve principalement sur des régions du corps en contact direct avec les animaux : mains, poignets, bras, cou, visage (photo ci-dessous).
Lésion de teigne (en cours de traitement), contractée au contact d’un chat infesté, sur l’avant-bras de l’une des assistantes de la clinique.
Notons que les femmes, et plus encore les enfants, sont plus souvent atteints que les hommes. Cette injustice serait due à des facteurs hormonaux, influant sur une protéine de la peau jouant un rôle protecteur contre la teigne. En vertu de l’arrêté du 14 mars 1970, un enfant infecté par un dermatophyte peut être exclu de l’école (éviction scolaire), « jusqu’à l’obtention d’un prélèvement mycologique négatif ».
Pas de panique, tout de même : c’est évidemment bien embêtant d’attraper la teigne, mais il s’agit « seulement » d’une maladie de peau, et qui se traite. Sauf contexte très particulier, pas question donc de se débarrasser du chat… surtout lorsque l’on n’est pas sûr que ce soit lui qui ait transmis la maladie ! Toute lésion suspecte devra évidemment être rapidement montrée à votre médecin.
Comment est-on sûr que c’est de la teigne ?
Lorsqu’un animal présente une ou plusieurs dépilations, et qu’on pense qu’il peut s’agir d’une teigne, il est évidemment caital d’en être sûr : d’abord pour pouvoir traiter l’animal efficacement et en toute confiance, mais aussi parce que ce diagnostic est important pour tout l’environnement : risque de contamination humaine, nécessité de désinfecter l’habitat… Trois méthodes de diagnostic existent :
- Un examen du pelage du chien ou du chat avec une lampe spéciale (lampe de Wood) : qu’est-ce que c’est encore que ça, me direz-vous ? Eh bien c’est une lampe qui émet une lumière ultra-violette, avec une grosse loupe au milieu. Et quand on se met dans le noir et qu’on éclaire ainsi une lésion qu’on pense être de la teigne, s’il y a effectivement des poils porteurs de spores, ils vont apparaître fluorescents (surtout leur base, dans les jaune-vert) quand on les regardera à travers la loupe de la lampe.
Alors, dit comme ça, ça a l’air vraiment top : on éclaire, ça brille, c’est de la teigne, ça ne brille pas, ça n’en est pas. Eh bien non, ce serait vraiment trop simple. D’abord, seul Microsporum canis apparaît fluorescent sous les UV – et encore, pas toujours. En revanche, avec les Trichophyton, ça ne marche pas. Donc, ce n’est pas parce que c’est négatif que ce n’est pas une teigne. Inversement, on peut avoir une fluorescence due non pas à des poils teigneux, mais à divers débris, une fibre synthétique qui s’est égarée là, un reste de bétadine, un peu de séborrhée… donc, ce n’est pas non plus parce que le test est positif qu’il s’agit d’une teigne. (Photo ci-contre : examen d’un chaton, négatif en lumière de Wood)
Bon, alors là, vous allez me dire : mais il sert à rien, en fait, ce test. Et je vous répondrai que si, un peu quand même. Il est certain que si on a une belle lésion bien ronde, à bords bien nets, avec des squames au milieu, et que la base des poils de la périphérie devient toute luminescente sous la lampe de Wood, tout ça au bout du nez d’un chaton… Ce sera toujours bien de confirmer avec les autres tests dont on va parler ensuite, mais on aura déjà une quasi-certitude, et on pourra commencer sans attendre à traiter, et à informer les propriétaires des risques de transmission, notamment aux enfants et aux autres animaux. Autre intérêt de la lampe de Wood : il n’est pas toujours facile de mettre en évidence les spores de dermatophytes sous le microscope. Là, si on a des poils bien fluorescents en lumière UV, ce sont eux qu’on va prélever, et on aura de fortes chances de les trouver porteurs de dermatophytes : le diagnostic sera ainsi confirmé plus facilement. Mais encore une fois, ce n’est pas parce que rien ne brille sous la lampe qu’on peut exclure une teigne.
- Un examen microscopique des poils, directement sous le microscope de la clinique : les poils teigneux ont un aspect très caractéristique, irrégulier (boursouflés et/ou « rongés », surtout à la base), et entourés d’un manchon de spores. (Photos ci-dessous). Si on a un tant soit peu d’expérience du microscope, cette observation suffit pour le diagnostic. Si on a un doute, on passera à l’examen suivant.
Deux exemples de poils teigneux. En haut, le diamètre du poil est très irrégulier : boursouflé à gauche et à droite de l’image, et comme rongé au milieu. Au-dessus et au-dessous du poil, tous ces petits ronds sont des spores de dermatophytes, qui forment un véritable manchon tout autour du poil. La photo ci-dessus montre, par comparaison, des segments de poil normal (à droite et à gauche : flèches noire). La partie centrale, en revanche, est envahie de spores.
Photo de gauche : ici, on balaye la lame à un plus faible grossissement, pour repérer d’éventuels poils teigneux que l’on ira regarder de plus près dans un second temps. Et l’on n’est pas déçu ! Il s’agit de poils prélevés sur le bord de la lésion de la paupière du chaton présenté un peu plus haut (Flèches rouges). Photo de droite : vue rapprochée d’un poil « englouti » à l’intérieur d’un manchon de spores de dermatophytes.
On vous les avait promises, les voilà, les photos des poils prélevés sur le doigt du pinscher photographié un peu plus haut. En haut à gauche, de jolis petits amas de spores, bien réguliers, qui n’ont pas l’air de trop déranger le poil, quand on les voit comme ça. En haut à droite, ça se gâte déjà un peu : les bords du poil sont plus irréguliers, boursouflés, l’intérieur fait plus désorganisé, et en plus des spores, on voit ici quelques hyphes (= filaments) (flèches rouges). En bas à gauche, les hyphes sont plus nombreux (flèches rouges toujours), les spores apparaissant floues (la mise au point est faite sur les hyphes). Ci-dessus à droite : on ne voit plus que des hyphes, le poil est cerné ! La mise en culture de quelques-uns de ces poils a montré que le champignon était un Microsporum gypseum. Ce dermatophyte est présent dans le sol, (dermatophyte tellurique ou géophile) : y seront donc plus particulièrement exposés les chiens qui raffolent de creuser des trous dans le jardin. Trouver ce dermatophyte sur un doigt, entre griffe et coussinet, est donc assez logique.
- Quand on se dit que les lésions de ce chat ont vraiment vraiment une bonne tête de teigne, mais qu’aucune fluorescence n’est apparue sous la lampe de Wood et qu’on n’a pas trouvé de poil teigneux sous le microscope, (ou alors qu’on a vu quelque chose qui pourrait peut-être bien en être, mais qu’on n’en est pas sûr)… il reste la solution de prélever quelques poils en périphérie des lésions, et de les envoyer à un laboratoire spécialisé, afin qu’ils soient mis en culture sur un milieu spécial ; il s’agit parfois de la seule méthode permettant de révéler la présence d’une teigne.
Et on s’en débarrasse comment ?
Le traitement doit être entrepris le plus rapidement possible : pour soigner l’animal, pour prévenir la contamination humaine, pour éviter la dissémination et l’installation des spores dans le milieu.
Chez le chien ou le chat, on associe généralement des traitements externes et internes : une pommade ou une solution antimycosique est appliquée sur la lésion, en débordant largement, s’il s’agit d’une lésion très localisée… ou bien à l’éponge sur tout le corps, dans le cas de lésions multiples. En parallèle, un médicament est administré quotidiennement, par voie orale : les molécules récentes sont à la fois très efficaces et très bien supportées. Compte-tenu de la résistance des spores, ces traitements sont toujours poursuivis pendant plusieurs semaines. Classiquement, on considère que l’animal est “guéri” lorsque deux cultures fongiques réalisées à 15 jours d’intervalle se révèlent négatives.
Bon, celui-ci n’a pas la teigne, son shampooing, c’est juste pour qu’il soit un peu plus présentable. Mais l’application d’une solution antimycosique, à l’éponge, sur tout le corps, ça pourrait ressembler un peu à ça – après une petite tonte, quand même. Et puis, c’était vraiment trop tentant de mettre cette photo !
Lorsqu’un diagnostic de teigne est établi chez un chat… et que les trois enfants de la maison présentent des lésions rondes et qui grattent, dans le cou et le long des bras, il faut évidemment consulter le plus rapidement possible son généraliste ou un dermatologue, en les informant de la présence de teigne chez l’animal de la maison. Lorsqu’il n’y a pas (encore) de contamination humaine, il sera prudent de prendre quelques précautions (ne pas trop manipuler l’animal tant qu’il est contagieux, se laver les mains avec une solution spéciale après l’avoir touché), et de prendre conseil auprès de son médecin.
Se débarrasser de la teigne dans une habitation avec un ou deux animaux n’est généralement pas trop difficile, mais dans une collectivité de chats (chatterie, élevage… surtout avec des chats à poils longs !), cela tourne vite au cauchemar ! Les spores étant très résistantes dans le milieu extérieur, une désinfection de l’habitat doit obligatoirement être associée au traitement de l’animal. On peut, par exemple :
– Passer l’aspirateur très fréquemment et détruire les sacs (de l’aspirateur).
– Appliquer une solution antimycosique (à base d’énilconazole), voire utiliser des fumigènes destinés à la destruction des spores dans l’environnement.
Cela dit, encore une fois, pas de panique : en dehors des collectivités de chats, où l’éradication de la teigne peut être délicate, le traitement du chien ou du chat infecté, une fois le diagnostic établi, conduit toujours à la guérison. La découverte d’une lésion suspecte devra juste conduire à présenter rapidement votre animal chez votre vétérinaire… et votre enfant chez votre médecin !