Hier, je suis resté avec mon labrador toute la journée, sans rien remarquer de spécial. Le soir, j’ai bien vu qu’il se grattait un peu sous l’oreille gauche, mais bon, sans plus. Et ce matin, là, c’est la cata ! Il a une énorme plaque qui lui prend la moitié de la joue, les poils de dessus sont partis, ceux autour sont tout collés, ça suinte, ça suppure, ça empeste… Et bien sûr, il n’arrête pas de se gratter, de frotter sa plaie qui pue sur les canapés, et il a l’air d’avoir mal ! C’est grave, docteur ?
Eh bien il s’agit d’un HOT SPOT, ce n’est pas dramatique en soi, mais il faut s’en occuper rapidement, à la fois pour soulager le chien et éviter que ça s’aggrave.
C’est quoi, un hot spot ?
Un hot spot est une forte dermatite (inflammation de la peau), circonscrite, (de taille limitée), humide, exsudative, généralement provoquée, (ou aggravée, entretenue), par des traumatismes que le chien s’est lui-même infligés.
A quoi c’est dû ?
Pourquoi un chien s’inflige-t-il ces traumatismes ? Dans le but de soulager une douleur, ou plus souvent une démangeaison. Tout à fait comme nous, quand on commence à se gratter, par exemple après une piqûre de moustique ou quand on a marché dans les orties (quelle idée, aussi !), et que plus on se gratte, plus ça démange, alors on se gratte encore plus, et ça démange encore plus… tout ça jusqu’à vraiment s’abimer la peau.
Quelles sont les causes de ces démangeaisons qui mettent en route le processus infernal démangeaison / grattage / démangeaison / grattage ?
Hot-spot post-toilettage dans sa localisation typique, (sur la joue, et sous l’oreille), chez ce caniche (photo de gauche). Le chien est sédaté, afin de pouvoir tondre et nettoyer la lésion. Photo de droite : aspect du hot-spot après nettoyage. La collerette que devra porter le caniche est déjà prête, sous sa tête.
Bon, pour avoir un hot spot, il faut donc une cause de démangeaison, mais il faut aussi… un chien ! Et si les chiens de toutes races peuvent potentiellement développer un hot spot, certains sont plus à risque que d’autres. Il s’agit en particulier :
Petit hot-spot (photo de droite), chez un bouvier bernois présentant des hot-spots à répétition. Il s’agit d’une race prédisposée du fait de l’épaisseur du sous-poil, qui favorise les macérations.
Le rôle des bactéries, (et des staphylocoques en particulier), dans la formation des hot spots, est controversé. Il semble malgré tout qu’il existe des dermatites pyotraumatiques superficielles, dans lesquelles les bactéries ne font que coloniser la surface de la lésion, et des dermatites plus profondes (folliculites, furonculoses), à la formation desquelles les staphylocoques jouent un rôle. Les jeunes chiens, les golden retrievers et les saint-bernards semblent prédisposés à cette dernière forme de hot spots.
ça ressemble à quoi, en fait ?
Eh bien ça ressemble à une grosse plaque rouge, suintante, parfois crouteuse en son centre, et souvent purulente, assez bien délimitée, sur laquelle les poils ont été arrachés… mais avec encore plein de poils autour, qui viennent se coller dessus, et tout cela macère, et tout cela sent très mauvais. Ça démange horriblement, et en même temps, c’est très douloureux : les chiens n’arrêtent pas de se lécher, voire de se mordiller (si la plaque se trouve, par exemple, sur la cuisse), ou de se gratter, (si la plaque est sur la joue). Il est souvent difficile, voire impossible, de nettoyer ou simplement toucher la lésion, sans administrer un sédatif pour calmer le chien et diminuer sa douleur.
Incroyable mais vrai, cette énorme lésion qui prend la moitié de la cuisse d’un bouvier bernois peut apparaître en quelques heures : on se couche le soir, il n’y a rien ; on se lève le matin, et on découvre cette épouvantable plaque rouge de 20 cm de diamètre, déjà toute rongée en son centre par les mordillements du chien (photos ci-dessous : hot spot sur la cuisse d’un griffon, avant et après tonte et nettoyage).
Dans la famille des grosses plaques suintantes telles que décrites ci-dessus, on peut distinguer deux catégories (voir plus haut, le rôle des bactéries) :
– Les hot-spots « simples », ou folliculites pyotraumatiques, grosses plaques rouges aux bords bien délimités.
– Et les furonculoses pyotraumatiques, où la grosse plaque rouge est entourée de petites papules ou pustules satellites. Dans ce dernier cas, les bactéries ne se contentent pas de coloniser la surface de la plaie, mais franchissent les couches superficielles de la peau (épiderme), pour atteindre le derme et y créer des pustules profondes (furoncles). Labradors et Golden retrievers (décidément !), sont prédisposés à cette forme de hot spot.
Cette distinction folliculite/furonculose pyotraumatique n’est pas que théorique : comme nous le verrons plus loin, elle aura son importance dans le traitement.
Photos ci-dessous : un exemple de chacun des deux types de hot spot, après tonte et nettoyage qui permettent de bien observer la lésion.
Furonculose pyotraumatique sous le cou d’un bulldog anglais sédaté : la plaque rouge a un pourtour dentelé, et elle est entourée de furoncles.
Comment on sait que c’est ça ?
En général, le diagnostic ne pose pas trop de problème : l’aspect de la lésion, la rapidité d’apparition, la race ou le pelage (touffu) du chien, la saison (généralement chaude), suffisent à établir le diagnostic.
Pour les cas que l’on soupçonne d’être plus compliqués, ou chez les chiens qui font des hot spots à répétition, un certain nombre d’investigations peuvent être réalisées :
Alors, qu’est-ce qu’on fait ?
1 – Traitements locaux :
Quel que soit le facteur déclenchant, les proportions prises par un hot-spot résultent de la macération, et des blessures auto-infligées : donc, on fait ce qu’il faut pour que ça ne macère plus, et que le chien arrête de se blesser !
Pour que ça ne macère plus, il faut commencer par dégager la lésion de tout ce qui peut la recouvrir : poils, pus, croûtes… La région est donc largement tondue : ça tombe bien, en général ça se passe en été. À cause de la douleur, cette opération doit souvent se faire sous sédation, sauf chez les chiens très gentils et/ou très stoïques.
En dehors d’arrêter la macération, la tonte aura pour intérêt de découvrir l’étendue exacte des dégâts, généralement très sous-estimée lorsque la lésion était recouverte de poils. On peut aussi observer les limites de la plaque, et faire la distinction entre un hot spot simple, et une furonculose, ce qui aura son importance pour le traitement par voie générale.
Après la tonte, on nettoie et on désinfecte, pour enlever le pus et les croûtes (photos ci-dessous). Si les mouches ont pondu, il faut éliminer les œufs, et si les œufs ont déjà éclos… éliminer les asticots ! Cela se fait sous anesthésie générale, les asticots étant sortis un par un de leurs galeries. Il est évidemment préférable de nous amener le chien avant d’en arriver à ce stade-là !
Photos ci-dessus : hot-spots sur les deux joues de Nikita, golden retriever de dix ans, avant (photos de gauche) et après tonte et nettoyage (photos de droite). Après la tonte, on peut voir qu’on est en présence d’un hot-spot simple sur la joue droite de la chienne (photos du haut), et d’une furonculose pyotraumatique sur la joue gauche (photos du bas). Un premier traitement antibiotique a permis une bonne amélioration… mais croûtes et prurit ont réapparu à l’arrêt du traitement, ce qui a obligé à prolonger l’administration d’antibiotiques : cas de figure classique chez une chienne golden retriever, race prédisposée aux formes compliquées de hot-spots.
Une fois la plaque bien dégagée, et le chien revenu à la maison, la lésion doit avant tout être gardée tout simplement… propre ! Et, tout aussi important, à l’abri des mouches.
Le traitement est poursuivi avec des sprays ou lotions destinées à lutter contre l’irritation, les démangeaisons et l’infection.
Le plus souvent, une collerette est nécessaire pour empêcher le chien de continuer à se lécher ou à se mordre. La collerette l’empêchera aussi de gratter la lésion si celle-ci se situe sur la joue. Rarement, il peut être nécessaire de mettre le chien sous tranquillisant pendant quelques jours, jusqu’à la guérison du hot spot.
2 – Traitements par voie générale :
Deux familles de médicaments peuvent être utilisées par voie générale en cas de hot spot : les antibiotiques, et les corticoïdes.
Les antibiotiques sont indispensables en cas de furonculose, et sont alors utilisés sur une longue durée. Sur un hot spot simple et pas trop étendu, on s’en passe si le traitement local a une bonne chance d’être suffisant. On utilise de préférence des antibiotiques diffusant bien dans la peau, et habituellement actifs sur les staphylocoques.
L’utilisation des corticoïdes se décide au cas par cas, en fonction de l’intensité de l’inflammation, des démangeaisons et de la douleur. On les évite autant que possible en cas de furonculose.
On peut aussi citer dans les traitements par voie générale, les traitements d’une cause sous-jacente – si on a pu en identifier une, et que les hot spots ont un caractère suffisamment récidivant pour justifier une telle recherche : désensibilisation dans le cas d’une atopie, acaricides dans le cas d’une gale sarcoptique ou d’une démodécie, etc. Comme chez tout chien, mais plus particulièrement en cas de hot spot, il est recommandé d’entretenir en permanence une bonne prévention contre les parasites externes (puces, tiques et moustiques).
Et ensuite ?
Bon, pas de panique quand même : beaucoup de chiens font un hot-spot dans leur vie, parfois deux, et puis ça s’arrête là. Dans ce cas de figure, il n’est pas nécessaire de mettre en œuvre toute une stratégie : on traite le hot-spot comme indiqué ci-dessus, et puis c’est tout. Cela dit, s’il existe une cause évidente, on va bien sûr essayer de l’éliminer : si le chien grouille de puces, un traitement anti-parasitaire régulier sera à mettre en place. Pour les chiens à sous-poil très dense et mal entretenu, des toilettages réguliers, voire une tonte complète en début d’été, seront à envisager ; (nous voyons quelques briards ou bobtails entièrement tondus – sauf la tête – pendant l’été : cela évite les macérations, les problèmes d’épillets, etc). Pour les caniches qui déclenchent systématiquement un hot-spot de la joue après le toilettage, (encore une fois, il s’agit d’une sensibilité individuelle du chien, la qualité du toilettage n’est pas en cause), une discussion avec le/la toiletteur/euse pour éviter toute irritation de cette région, permettra généralement de régler le problème.
Pour les chiens qui font trois hot-spots par an, la question se pose différemment, et une cause sous-jacente sera à rechercher. La conduite à tenir dépendra alors d’une discussion avec les propriétaires du chien, afin de comparer les avantages et les inconvénients, par exemple, de l’identification de la cause d’une allergie, suivie d’une désensibilisation, avec le traitement ponctuel de deux ou trois hot-spots par an.