Qui sont les puces du chien et du chat ?
Alors, contrairement à ce que l’on pourrait penser, la puce du chien est le plus souvent… une puce de chat. 90 à 95 % des puces que l’on trouve chez le chien appartiennent en effet à l’espèce Ctenocephalides felis, la puce du chat.
Les 5 à 10 % restants se répartissent entre « vraies » puces de chien (Ctenocephalides canis), puces humaines (brrrrr !)(Pulex irritans), puces de hérisson (Archeopsylla erinacei), puces de lapin… nous n’avons que l’embarras du choix, puisqu’il en existe plus de deux mille espèces !
Quant aux chats, leurs puces sont quasi exclusivement des puces… de chats, ce qui ramène un peu de logique dans cette histoire. (Photo ci-contre : Ctenocephalides felis, la puce du chat, reconnaissable notamment à ses cténidies (ces structures en forme de peigne sous et en arrière de la tête), différentes de celles de Ctenocephalides canis).
Alors, comment décrire ces bestioles ? Ce sont de petits insectes de 2 à 4 mm de long, au corps aplati, ce qui leur permet de naviguer facilement entre les poils de leur hôte, à la cuticule épaisse, bien pratique pour survivre au grattage ou à l’écrasement, et aux pattes arrière puissantes, indispensables pour atteindre leur premier hôte… ce dont leur survie dépend ! Ajoutons à cela des pièces buccales permettant de piquer et de sucer le sang de leur victime. Mmmmmm !
Voilà, donc ça, c’était pour l’aspect extérieur. Voyons maintenant comment fonctionnent ces créatures, et en particulier comment se déroule leur cycle, puisque la puce adulte que nous connaissons ne constitue que la partie émergée d’un énorme iceberg.
Le cycle de la puce
Vous allez voir que connaître le cycle de la puce n’est pas utile uniquement pour briller dans les salons, c’est aussi nécessaire pour savoir comment lutter efficacement contre ces bestioles :
D’abord, la puce adulte est un parasite obligatoire du chien ou du chat, qui ne peut se passer de son hôte, puisqu’elle se nourrit exclusivement de sang, et ne peut rester plus de 4 jours sans manger. D’ailleurs, quand elle arrive sur un nouvel hôte, elle s’y met rapidement (dans les 5 minutes), et sans demi-mesure, puisqu’elle peut sucer 15 fois son poids en sang dans la journée – mais on y reviendra. Pour ce faire, elle perce la peau de sa victime à l’aide de ses pièces buccales et injecte un peu de salive anticoagulante, (là, c’est le début des problèmes pour le chien et le chat), après quoi, elle commence à aspirer. Puis, rassasiée, et alors qu’elle n’est arrivée que depuis 24 heures, elle commence à pondre. Et c’est parti pour le cycle !
Photo de gauche : une puce (flèche) gambade sur le ventre de ce chat, déjà assez largement dépilé pour cause de léchage. A droite : Suite au passage d’un peigne à puces sur le dos d’un chat, celle-ci se retrouve un peu perdue sur la table de consultation, au milieu de quelques crottes de puces (les petits grains noirs).
Le cycle de la puce (document Mérial).
La ponte, chez la puce, c’est pas non plus de la gnognotte : 15 à 40 œufs par jour, pour une durée de vie moyenne de 3 mois ; (ça pourrait être plus, mais beaucoup décèdent précocement, victimes (entre autres) du léchage de leur hôte). Donc faites le calcul, ça nous donne dans les 2000 œufs produits par une puce femelle au cours de sa vie.
Alors, ils ressemblent à quoi, ces œufs ? Eh bien ils sont blancs, bien lisses, et mesurent environ 0,5 mm de long (B, C sur le tableau ci-contre). Comme ils sont tout lisses, ils ne s’accrochent pas aux poils, et vont donc rouler et tomber là où leur hôte, chien ou chat, passe le plus clair de son temps, à savoir les « points chauds », ou hot spots dans la littérature anglo-saxonne ; à savoir, selon le degré d’intimité de l’animal avec ses propriétaires : sa niche, son tapis, son fauteuil, le canapé du salon, le dessus du lit, ou l’intérieur du lit.
Heureusement pour nous, les 2000 œufs par femelle puce ne se développent pas tous : pour survivre, il leur faut une température et une humidité idéales, à savoir pas de pluie, pas d’exposition directe au soleil… mais bon, quoi qu’il en soit, nous sommes 24 heures après l’arrivée de la puce sur l’animal, et les œufs sont déjà dans la maison. Et là non plus, ça ne va pas traîner, puisqu’en 2 à 10 jours, ces œufs éclosent, et il en sort une larve (D).
Avec les œufs, celle-ci constitue un autre point faible du cycle de la puce : longue de 1 à 5 mm, il lui faut une température comprise entre 7 et 32°C, et une humidité relative entre 50 et 85 %. Comme elle craint la lumière, elle va tout naturellement rechercher l’obscurité en s’enfouissant entre les poils des tapis, dans les fissures du sol, sous les plinthes, dans le lit du chien, dans notre lit…
Œufs et larve de puces, collectés sur un chien. En haut à gauche, un œuf pas encore tout à fait mûr. A droite : là, les larves sont prêtes à bondir hors de leur coque ! Et ci-dessus, ça y est, la larve est sortie.
Maintenant, tout ça, c’est bien joli, mais une fois à l’abri entre les poils du tapis, il faut bien manger ; et qu’est-ce qu’on trouve entre les poils du tapis ? Eh bien essentiellement les débris qui tombent du chien ou du chat qui se couche là, à commencer par les déjections des puces adultes !
On l’a vu plus haut : les puces avalent 15 fois leur poids en sang dans la journée. Comment voulez-vous bien digérer avec ça ??? Donc leurs excréments sont constitués de sang mal digéré et encore riche en nutriments, dont les larves vont se régaler. (photo ci-contre : trois œufs, et une crotte de puce en haut à droite de l’image). Elles consommeront aussi les débris organiques présents dans l’environnement, ou qui tombent de leur ancien hôte, (squames…), mais également des œufs et d’autres larves de puces !
Bon, difficile, dans ces conditions, d’éprouver de l’empathie pour nos petites larves, mais tout de même : entre le froid, le chaud, le soleil, l’aspirateur et leurs congénères cannibales… la plupart ne deviendront jamais adultes. Ce qui, soit dit en passant, explique la répartition en triangle de la population de puces (schéma ci-contre, document Virbac) : pour 50 œufs pondus, 35 seulement donneront naissance à des larves, dont 10 parviendront à l’état de nymphe, et on n’aura au final que 5 puces adultes !
Mais retour à nos larves : celles qui ont survécu vont rapidement (en une à trois semaines, et après quelques mues), s’envelopper dans un cocon sur lequel viendront se coller différents débris (poils, poussière…), le tout leur assurant camouflage et protection. Et là, enfin tranquille, notre larve va pouvoir se transformer en nymphe (ou pupe, ou chrysalide, c’est pareil, même si chrysalide, ça fait plutôt papillon)(F,G). La nymphe est le plus costaud de tous les stades de développement de la puce : elle reste vulnérable aux araignées et à l’aspirateur, mais son cocon la met tout de même à l’abri de pas mal de prédateurs, de la dessiccation et de (presque) tous les insecticides ; et surtout, avec un métabolisme aussi ralenti qu’une marmotte en hibernation, elle pourra tenir sans manger pendant un an, (maximum, quand même !), si les conditions l’exigent.
Mais alors, nous direz-vous, qu’est-ce qui décide la nymphe à sortir de son cocon ? Pourquoi certaines émergent-elles au bout d’une semaine, quand d’autres attendent jusqu’à un an ? Eh bien, cela dépend tout simplement de la présence ou non d’une créature à qui sucer le sang, parce que la puce ne tiendra que quelques jours si elle ne trouve pas quelque chose à se mettre sous la dent – enfin, sous les palpes – rapidement après sa sortie. Concrètement, la puce sortira si elle capte, du fond de son cocon, des vibrations dans le sol, l’émission de gaz carbonique, et une élévation de pression et de température, qui signent la présence d’un être vivant potentiellement comestible. Une fois dehors, elle s’oriente vers la lumière, et si jamais quelque chose bouge devant cette source lumineuse, la puce va immédiatement, par réflexe, lui sauter dessus.
Évidemment, quand la puce, (de chat, en général), tout juste sortie du cocon, saute sur quelque chose qui bouge devant la fenêtre, elle n’a aucun moyen de savoir s’il s’agit d’un chat, d’un chien, ou d’un humain ; en fait, elle ne s’en apercevra que lors de son premier repas sanguin. S’il s’agit d’un humain, mauvaise pioche : elle prendra un repas, deux maximum, et comme ça ne lui convient pas du tout, elle s’en ira à la recherche d’un nouvel hôte… sachant qu’il faudra qu’elle se dépêche, car une puce adulte ne tient pas plus de 4 jours sans manger.
En revanche, s’il s’agit d’un chien ou d’un chat, là, notre puce est contente ! Et elle va s’installer pour de bon. On pense souvent que les puces sautent d’un chien ou d’un chat à l’autre, et que c’est comme ça que nos compagnons se contaminent : que nenni ! on vient de le voir, une puce ne tient pas longtemps si elle n’a pas sa dose de sang quotidienne, et en plus, sauter d’un animal à l’autre représente une grosse dépense d’énergie.
Alors pourquoi aller se fatiguer, quand on a tout sur place, bien installée sur une inépuisable banque du sang sur pattes ? Donc, contrairement aux idées reçues, une puce ne change quasiment jamais d’hôte : la contamination se fait quasi exclusivement par l’intermédiaire des œufs, larves et cocons qui se trouvent dans le milieu extérieur. Une exception quand même : si Snoopy, Garfield et compagnie dorment béatement, serrés les uns contre les autres, il est toujours possible qu’une puce étourdie, cheminant au milieu des poils, passe de l’un à l’autre sans même s’en rendre compte (photo ci-dessus).
En tout cas, ça y est, notre puce adulte est installée sur son nouveau chien ou son nouveau chat, elle a pris son premier repas sanguin, et va commencer à pondre : le cycle est bouclé, il aura duré 3 semaines dans les conditions optimales, jusqu’à un an si l’environnement est moins favorable, notamment en l’absence d’hôte.
Un cas particulier à mentionner, avant d’en finir avec le cycle (ouf !) : si de nouveaux cocons éclosent régulièrement dans le panier du chien… pas de problème, si l’on peut dire : les puces vivront tranquillement leur vie, le chien un peu moins bien la sienne, et puis voilà. Mais prenons maintenant le cas du grenier de tante Amélie : on y accède par un petit escalier étroit, que la tantine n’emprunte plus depuis qu’elle s’est cassé le col du fémur, il y a presque un an. Depuis, la porte du grenier est restée fermée, les chats de la maison n’y ont plus accès, et les milliers d’œufs qu’ils y avaient semé un an plus tôt se sont transformés en cocons, enfouis entre les lattes du vieux plancher. Imaginons maintenant que le neveu de tante Amélie décide d’aller faire un tour là-haut, histoire de voir si tout va bien : sentant le plancher bouger, captant le gaz carbonique, des milliers de puces affamées vont éclore en même temps et se jeter sur les jambes du malheureux neveu ! Il leur suffira d’un repas pour comprendre qu’elles ne sont pas sur le bon hôte, et retourner dans leur plancher, mais en attendant, aïe aïe aïe ! Le neveu redescendra du grenier des boutons plein les jambes, en parlant d’une invasion de puces ou, improprement, de « puces de plancher » – car il s’agit en fait de puces de chat tout ce qu’il y a de plus banal : pour comprendre ce qui venait de lui arriver, il lui aurait juste fallu quelques notions de la biologie de ces bestioles… ce qui est maintenant votre cas !
Les affections dues aux puces
1 – La DAPP (dermatite par allergie aux piqures de puces)
Lorsqu’on évoque les lésions cutanées provoquées par les puces chez le chien ou le chat, c’est tout de suite la DAPP qui vient à l’esprit. Or, avant de parler de la DAPP, il faut quand même évoquer la simple pulicose. Quand des chiens ou des chats se font piquer par des puces, forcément ça les démange, et ils se mettent à se lécher ou à se gratter, un peu comme nous quand on se fait piquer par les moustiques, un soir d’été en prenant l’apéro. Ensuite, c’est une question de sensibilité : à quantité de puces égale, certains vont se dévorer, tandis que d’autres se grattouilleront à peine, voire ne présenteront aucun symptôme – c’est souvent le cas chez les chats. Il résultera donc de ces différentes réactions des lésions cutanées plus ou moins sévères, mais qu’on pourrait qualifier de « normales », étant donné le contexte.
Et puis chez certains, la réaction à la piqure sera disproportionnée du fait d’une véritable allergie à la salive de puces, et nous en arrivons donc à la DAPP. Après quelques piqûres seulement, (a fortiori s’il y en a beaucoup !), ces animaux vont présenter un prurit intense, (= se gratter comme des fous), et développer des lésions cutanées sévères et assez caractéristiques : chez les chiens, ce sera une dépilation de la région dorso-lombaire (qui part donc du milieu du dos, voire de plus haut, pour descendre jusqu’aux fesses et à la base de la queue), et de l’arrière des cuisses. Selon l’intensité de l’inflammation et du grattage, l’existence de possibles surinfections…, ces zones dépilées pourront ensuite se couvrir de boutons, d’excoriations, de pustules… Et dans les formes très évoluées, c’est pratiquement tout le corps qui sera atteint, à l’exception, généralement, de la tête et de l’extrémité des pattes. Chez le chat, on pourra retrouver le même type de dépilation le long de la ligne du dos, s’étendant éventuellement jusqu’au cou. Lorsque ces régions se recouvrent en outre de petites croûtes, l’affection prendra le nom de dermatite miliaire (= qui présente l’aspect d’un grain de mil, selon la définition du Robert). Un grattage violent, notamment au niveau du cou, pourra provoquer de véritables plaies. Enfin, conséquence d’un léchage compulsif, (déjà que les chats se toilettent beaucoup naturellement), on rencontrera aussi des alopécies extensives, c’est à dire de larges zones complètement dépilées, souvent d’ailleurs avec une peau peu ou pas abîmée.
Allez, maintenant, on regarde un peu tout cela en images :
On commence en douceur, avec ce berger blanc suisse clafi de puces, qui présente une « simple » coloration du poil en région dorso-lombaire, due au léchage et aux modillements.
On continue un peu plus hard, avec ce braque souffrant, pour le coup, d’une bonne DAPP ! La moitié du dos, les lombes et la queue sont entièrement dépilés, de même que la face arrière des cuisses, et plus bas jusqu’aux jarrets. On voit par ailleurs que la peau est ici très abîmée : squameuse, croûteuse…
Dans le genre, ce berger de 14 ans n’est pas mal non plus : outre le bas du dos, les lombes, la queue et la face arrière des cuisses, on voit que les dépilations s’étendent largement sur les flancs, et aussi le long des pattes, quasiment jusqu’aux doigts.
La peau est très abîmée, squameuse, et particulièrement épaissie et craquelée sur la pointe des ischiums (= les fesses !)
Et on passe maintenant au chat : ci-dessus, un chat infesté par les puces, vu de dos avec, comme chez le chien, une dépilation dorso-lombaire et une peau qu’on devine croûteuse. (C’est le même chat dont nous avons vu un peu plus haut le ventre dépilé, avec une puce qui gambadait au milieu). A droite : une longue dépilation qui court du tiers proximal du dos, jusqu’à la queue (plus haut sur le dos, le chat ne doit pas arriver à se lécher !)
Contrairement aux cas précédents, la peau ici ne semble pas abimée : il s’agit probablement ici d’une dermite extensive… même si on en voit des bien pires, côté extension !
2 – Atopie et complexe granulome éosinophilique félin
Comme la DAPP, il s’agit de deux affections cutanées d’origine allergique. Pourquoi ne pas les avoir traitées en même temps que la DAPP ? vous demanderez-vous avec raison. Eh bien parce qu’il n’y a pas ici de relation aussi directe entre les puces et les symptômes que dans la DAPP, (les puces ne sont qu’une cause parmi beaucoup d’autres, et pas forcément la principale), et aussi parce que les lésions sont très spécifiques de ces deux affections, et très différentes de celles que l’on rencontre dans la DAPP.
On commence par l’atopie : on ne va pas s’éterniser dessus, d’abord parce que les puces n’y jouent pas un rôle central, ensuite parce qu’il devrait y avoir un de ces jours un article de ce site consacré au sujet – si tout va bien. L’Académie Nationale de Médecine définit la dermatite atopique canine comme « une dermatite prurigineuse inflammatoire, d’origine génétique, à signes cliniques caractéristiques, le plus souvent associée à des IgE dirigées contre des allergènes de l’environnement ». Parmi les races prédisposées, (cf l’origine génétique), on citera les Westies, bouledogues français et bulldogs anglais, boxers, Shar peis, bergers allemands, labradors et golden retrievers – entre autres. Les signes cliniques caractéristiques sont très différents de ceux rencontrés dans la DAPP, (le prurit excepté), avec notamment une localisation des lésions à la tête et aux extrémités… avant de s’étendre à tout le corps dans les cas les plus graves. Parmi les allergènes en cause, on trouve les acariens de l’environnement, les pollens, les aliments… et la salive de puces. Celle-ci ne joue donc pas le premier rôle comme dans la DAPP, mais des piqures de puces peuvent favoriser le déclenchement d’une crise chez un chien atopique. A côté des désensibilisations, régimes d’éviction, immuno-modulateurs, soins locaux… un strict contrôle des puces est de toute façon toujours recommandé.
Aspect de la face et de la peau de l’abdomen chez un bouledogue français atopique : la localisation et l’aspect des lésions sont très différents de ce qu’on observe dans une DAPP.
On pourrait écrire à peu près la même chose du complexe granulome éosinophilique félin : il s’agit d’un ensemble d’affections cutanées d’installation progressive et spécifiques du chat : ulcères (notamment labial), granulomes, et plaques. Si l’on qualifie ces lésions « d’éosinophiliques », c’est que quand on les analyse (par un calque ou une biopsie), on les trouve riches en un certain type de globules blancs (les polynucléaires éosinophiles), dont les taux augmentent généralement lors de réactions allergiques.
Comme pour l’atopie, il existe de nombreux facteurs déclenchants dont les allergènes de l’environnement (acariens, pollens), des allergènes alimentaires, les piqures d’insectes (dont les puces), mais aussi des infections, des plaies cutanées et des réactions à un produit chimique. Il y aurait, là aussi, une prédisposition génétique. Donc, comme dans l’atopie, les puces ne sont qu’un facteur parmi beaucoup d’autres, mais un strict contrôle de ces parasites est, de toute façon, toujours recommandé dans le traitement des affections du complexe granulome éosinophilique félin.
Plaques éosinophiliques sur la patte arrière d’un chat : un calque réalisé sur l’une des plaques ne montre quasiment que des polynucléaires éosinophiliques, ce qui nous donne le diagnostic. Après, en déterminer l’origine sera une autre histoire… mais le traitement passera forcément par un très strict contrôle des puces.
3 – L’infestation par Dipylidium caninum
Bon, ce n’est pas très poétique, comme image : il s’agit de l’autopsie d’un chat, demandée par ses propriétaires après un décès suspect. On voit ici un enchevêtrement d’un, ou plus probablement plusieurs Dipylidium caninum, (difficile de s’y retrouver !), à l’intérieur de l’intestin. On remarquera la multitude d’anneaux (ou segments) dont sont composés les vers, anneaux que l’on retrouvera, après qu’ils se sont détachés, se tortillant aux marges de l’anus de leur hôte.
En langage courant, on dirait que Dipylidium caninum est un « ténia », ou un ver solitaire. Qu’est-ce que la puce a à voir avec un ténia, me direz-vous ? Eh bien ces charmantes bestioles sont composées d’une succession d’anneaux, ou de segments (photos ci-dessus et ci-contre), contenant des œufs (on parle de segments ovigères). Ces anneaux se détachent l’un après l’autre de la « queue » du ver, se retrouvent ainsi libres dans l’intestin, et finissent par sortir par l’anus en se tortillant (photo ci-contre). On les retrouve aussi à la surface des crottes, ou dans les lieux de couchage de leur hôte, (super, sur le canapé ou dans le lit !), un tantinet desséchés, et ressemblant alors à des grains de riz. Soit dit en passant, quand on voit ces petits anneaux aux marges de l’anus de son chien ou de son chat, ou les grains de riz à la surface des selles, on peut en déduire que notre compagnon : 1) a un Dipylidium, et 2) a aussi des puces – et on est content.
Donc revenons à nos anneaux qui continuent à se tortiller autour de l’anus. Ils finissent par tomber par terre, et comme rien ne se perd, les œufs qu’ils contiennent sont avalés par les larves de puces qui traînent dans les lieux de vie de leur hôte, et se nourrissent de tous les débris qui tombent à leur portée (squames, crottes de puces…). Ensuite, la larve devient puce, toujours avec ses œufs de Dipylidium qui se développent à l’intérieur, et quand un chien ou un chat finit par avaler la puce, par exemple en faisant sa toilette, eh bien il se contamine en même temps avec le ver. On estime qu’environ 4% des puces françaises sont porteuses de Dipylidium caninum !
Bon, après, c’est pas la cata, il y a pire, comme parasite, mais c’est quand même un peu répugnant, et quoi qu’on en dise, une bestiole qui mesure jusqu’à 80 cm, à l’intérieur de l’intestin, ça ne doit pas être bien bon. Donc, dès qu’on en voit un, on traite. Après avoir éliminé les puces, de préférence, parce que ce serait ballot de traiter le ver en premier, et que le chien ou le chat se recontamine aussi sec en avalant une de ses puces !
Les puces, de même que les poux et certaines tiques (Rhipicephalus sanguineus), transmettent aussi la filaire Dipetalonema reconditum, un petit ver de 1 à 3 cm qui se loge sous la peau et dans le tissu adipeux des chiens. Ceci étant dit pour l’anecdote, d’abord parce que la bestiole n’est pas très fréquente de par chez nous, et ensuite parce qu’elle ne provoque pas (ou très peu) de symptômes chez le chien.
4 – La mycoplasmose (ex-hémobartonellose)
On ne détaillera pas ici la mycoplasmose (ex hémobartonellose) due aux bactéries Mycoplasma haemominutum, et Mycoplasma haemofelis : un autre article de ce site lui est en grande partie consacré. On rappellera juste que ces bactéries adhèrent à la surface des globules rouges, provoquant des lésions de leur membrane, et conduisant ainsi à leur destruction. Certains chats infectés n’expriment pas de symptôme, les autres peuvent présenter de l’abattement, de l’anorexie, des vomissements, une hyperthermie, ainsi que des muqueuses pâles et parfois ictériques (jaunisse), du fait de la destruction des globules rouges. Le mode de transmission de la maladie d’un chat à l’autre n’est pas formellement démontré, mais on suspecte en premier lieu les piqûres d’insectes (puces surtout, également moustiques), ou d’acariens (tiques), et les morsures ou griffures lors des bagarres.
Tous ces gros granules violets, à la surface des hématies (= globules rouges), sont des bactéries appartenant à l’espèce Mycoplasma (ex Haemobartonella) haemofelis, la grande forme de mycoplasme, habituellement la plus pathogène, transmise (entre autres) par les puces.
5 – L’anémie par spoliation
On précise par spoliation, parce qu’on l’a vu, les mycoplasmes provoquent également une anémie, mais là, on parle de chats littéralement saignés à blanc par des puces qui leur ont pompé tous leurs globules rouges ! (Plutôt des chats que des chiens, parce qu’avant que les puces pompent tout le sang d’un dogue allemand, il y a de la marge ; et peut-être aussi parce que les propriétaires s’aperçoivent souvent plus tardivement de la baisse d’activité chez un chat qui passe ses journées sur son coussin, que chez un petit chien de même format). En tout cas, si cette affection arrive en dernier dans la liste, c’est parce qu’elle est beaucoup plus rare qu’une DAPP ou une infection par le Dipylidium, mais elle est en revanche beaucoup plus grave : on voit arriver des chats couverts de crottes de puces (parfois, une véritable croûte leur couvre toute la surface du dos), et les muqueuses blanches comme la neige. Il faut alors les transfuser d’urgence… si toutefois ils tiennent le coup jusqu’à ce qu’on ait trouvé un donneur et réalisé le prélèvement sanguin !
Le diagnostic
Bon, il y a au moins une chose de bien, avec le diagnostic de pulicose, c’est qu’il ne demande pas d ‘examens complémentaires coûteux et sophistiqués. D’abord, comme toujours, on commence par l’examen clinique : il est évocateur, avec la localisation des lésions : ligne du dos, lombes, face postérieure des cuisses. Ensuite, si l’on écarte un peu les poils du bas du dos (ou qu’on regarde simplement la peau s’il n’y a déjà plus de poils), il y a de fortes chances pour que l’on tombe sur une puce qui gambade, ou à défaut, sur des crottes de puces (de petits grains noirs et brillants), souvent en grande quantité – une puce adulte en excrète, on l’a vu, plusieurs dizaines par jour. Si on a un doute quant à la nature de ces petits grains, on en pose quelques-uns sur une feuille de papier blanc, et on verse une goutte d’eau dessus : comme les crottes de puces sont constituées de sang digéré, une fois humidifiées, elles retrouveront la coloration rouge-brun du sang d’origine. On peut aussi regarder sous le ventre : il arrive souvent que l’on y trouve les puces que l’on n’a pas trouvées sur le dos. Quand tout cela ne donne rien, on utilise un peigne à puces que l’on passe à plusieurs reprises sur toute la longueur du dos, (et plus si affinités), ce qui permettra souvent de ramener les puces ou les crottes de puces que l’on n’a pas pu voir simplement en écartant les poils. (Tout cela en images ci-dessous).
Donc, on commence par écarter les poils du bas du dos et bingo, c’est plein de crottes de puces et parfois même, on voit des puces galoper au milieu. Si l’infestation n’est pas aussi évidente que ça, on va chercher son peigne à puces, que l’on promène (entre autres) tout le long de la ligne du dos de l’animal, ce qui augmente les chances de ramener des crottes de puces, voire une puce qui s’est retrouvée piégée au milieu (flèche). Si l’on a un doute, on fait glisser notre récolte sur une feuille de papier blanc, pour mieux visualiser les crottes de puces, et l’on pourra même verser quelques gouttes d’eau sur tout ça : si ce sont bien des déjections de puces, le liquide prendra la couleur rouge-brun du sang remis en solution.
Bien sûr, on en a parlé plus haut, si l’on trouve des anneaux de Dipylidium sur les crottes ou aux marges de l’anus de son chien ou de son chat… vu que les vers ne sont pas arrivés là par l’opération du Saint-Esprit, c’est que Garfield ou Médor ont forcément des puces !
Et puis attention :
- Ce n’est pas parce qu’un animal ne se démange pas qu’il n’a pas de puce ! Certains ont des crottes de puces plein le bas du dos, et ne se grattent ni ne se lèchent ; c’est particulièrement vrai pour les chats.
- A l’inverse, certains animaux se grattent comme des fous, présentent des lésions étendues caractéristiques de DAPP… et impossible de mettre en évidence la moindre puce ou crotte de puce. Mention particulière pour le chat qui, en se toilettant, avale 80% de ses puces ; alors évidemment, après, il n’en reste pas beaucoup pour faire le diagnostic ! Donc, comme toujours en médecine, l’absence de preuve n’étant pas la preuve de l’absence, si on a une forte suspicion que des lésions cutanés soient dues à des puces mais qu’on n’en trouve pas… eh bien on traite quand même !
Une petite restriction par rapport à ce qu’on écrivait plus haut, à savoir que pour les puces, on n’avait pas besoin d’autre test que la mise en évidence des parasites : il y a tout de même le cas particulier de l’atopie.
Lorsque l’on veut savoir quels sont les allergènes responsables des symptômes, notamment en vue d’une désensibilisation, on réalise des intradermo-réactions (skin-tests), qui consistent à injecter de petites quantités d’allergènes dans le derme du chien, (ça ne marche pas très bien chez le chat), et à voir après dix minutes ce qui a réagi. A côté des acariens de l’environnement et des pollens, on teste en routine la salive de puces… mais tout cela uniquement dans le but de connaître (avec plus ou moins de sensibilité et de spécificité) les antigènes responsables des symptômes, alors que le diagnostic d’atopie a déjà été posé : on ne diagnostique pas une atopie, a fortiori une DAPP, au moyen d’un skin-test !
Réalisation d’intradermo-réactions : on constate une forte réaction au point d’injection du contrôle positif (flèche bleue), mais pas du contrôle négatif à côté (jusque là, tout va bien), une réaction moyenne au niveau de l’acarien de l’environnement Dermatophagoides farinae (flèche rouge), et rien au niveau de la salive de puce (flèche noire).
La lutte contre les puces
D’abord, juste un mot pour dire que quand on aborde la question de la lutte contre les puces, on pourrait s’attendre à une partie Traitement et une partie Prévention. En fait, les deux vont aujourd’hui de pair, tous les (bons) produits utilisés pour tuer les puces ayant un effet rémanent, qui prévient donc les infestations ultérieures ; d’ailleurs, un traitement qui ne ferait que traiter ne traiterait en fait rien du tout : avec 95% des puces vivant dans l’environnement, l’animal serait immédiatement réinfesté.
Quelques considérations générales avant de passer les produits en revue :
- tous les animaux de la maison doivent être traités : si l’on est l’heureux propriétaire de trois chiens et quatre chats, qu’on les traite correctement, mais qu’il y a dans le jardin un matou semi-sauvage qui rentre de temps en temps dans la maison et qu’on n’a jamais pu (ou voulu) traiter… Eh bien les puces continueront à faire tranquillement leur cycle autour de ce chat, et au moindre relâchement sur les autres animaux, (ou même sans relâchement particulier, simplement si la pression parasitaire est trop forte), les chiens et chats de la maison seront à nouveau envahis. On l’a vu, des milliers de puces peuvent éclore en même temps dans les points chauds où les animaux se couchent. Alors même si on a un super insecticide qui en tue 99%… eh bien il en restera toujours assez pour déclencher une DAPP !
- Deuxième considération générale : il n’y a pas de saison pour les puces : quand on vit douillettement à la surface de la peau d’un chien, bien à l’abri sous les poils, et que les œufs qu’on pond atterrissent dans une bonne moquette ou un tapis bien épais… la vie est belle, même en janvier. Il y aura, certes, des pics d’infestation en été et en automne, mais les traitements anti-puces devront être poursuivis toute l’année.
- C’est évident, mais c’est toujours mieux en le disant : pour l’utilisation des produits, il faut respecter les recommandations du fabricant et/ou de votre vétérinaire : fréquence d’administration, points d’application des pipettes, serrage plus ou moins important du collier… Sinon, ça risque de ne pas marcher.
- Dernier point, qu’on pourrait répéter dans chacun des paragraphes ci-dessous – mais ce serait vite lassant : il existe une infinité de produits antiparasitaires, certains très efficaces, d’autres… un peu moins ; et sans vouloir dénigrer, il est assez peu probable que la pipette de grande surface à 1 euro, suspendue entre deux sacs de croquettes, se montre très performante. En cas de doute, nous vous encourageons donc vivement à demander conseil à votre vétérinaire.
Ceci étant dit, allons-y pour la présentation des différents produits.
1 – Sur l’animal
- Les poudres, lotions, shampooings : on les cite juste pour les oublier aussi sec. C’étaient les seuls produits disponibles il y a quelques dizaines d’années, et les puces pullulaient, même chez les chiens traités. Ce n’est pas compliqué : la poudre va peut-être tuer quatre puces au moment de son application, mais dès que le chien se sera secoué et que la poudre sera partie, les centaines de puces qui patientaient dans la maison n’auront rien de plus pressé que de lui sauter dessus. Idem pour les shampooings insecticides : quand on rince le shampooing, on rince l’insecticide avec. Les lotions n’avaient pas un effet très rémanent, et puis quand il faut diluer un produit dans une bassine, puis en frictionner le chien avec une éponge du bout du nez au bout de la queue, surtout si le chien a des poils longs, on le fait une fois, deux fois, et puis… plus du tout.
- Les colliers : parmi les colliers anti-parasitaires actuellement disponibles, plusieurs possèdent une excellente activité contre les tiques, et repoussent de façon très satisfaisante les moustiques et les phlébotomes, ces derniers susceptibles de transmettre la leishmaniose. L’activité sur les puces est généralement un peu moins bonne : on utilisera donc les colliers en prévention, mais en cas de forte infestation, on privilégiera plutôt les comprimés ou les pipettes.
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Les sprays : il s’agit d’un mode de traitement efficace… si leur principe actif, (par exemple, le fipronil), est efficace et que leur formulation leur confère un effet rémanent. Il est important de respecter le nombre de pulvérisations à appliquer en fonction du poids de l’animal : il faut donc compter le nombre de pressions, et ne pas se contenter de trois petits pschits le long de la ligne du dos. Après une pulvérisation à rebrousse-poil sur tout le corps, de sorte que le pelage soit uniformément mouillé, on frictionne bien pour faire pénétrer le produit jusqu’à la peau, après quoi on laisse sécher sans essuyer – sinon, on enlève tout ce qu’on vient de mettre ! On ne rince pas non plus, évidemment. Un avantage des sprays est qu’on peut généralement les utiliser chez des chiens ou des chats très jeunes ou de très faible poids, pour qui les pipettes ou les comprimés sont contre-indiqués. (A vérifier bien sûr au cas par cas, sur la notice d’utilisation). On peut aussi trouver satisfaisant de pulvériser le produit sur une grosse colonie de puces grouillant sur son chien ou son chat, et de les voir mourir instantanément ! L’inconvénient du spray est qu’il est plus compliqué de l’appliquer que de mettre une pipette ou de donner un comprimé, et qu’on risque donc de laisser tomber rapidement. Signalons qu’il existe des sprays « naturels », aux ingrédients d’origine végétale, qu’il sera toujours tentant de vouloir utiliser… mais qui n’impressionnent pas beaucoup les puces, en général.
- Les pipettes (spot-on) : bon, là aussi, on trouve un peu de tout, y compris des huiles aromatiques sans doute très naturelles, (encore que…), mais pas forcément très efficaces. Comme les colliers, les (bonnes) pipettes que l’on trouve actuellement ont une efficacité acaricide et répulsive contre les tiques et un effet répulsif sur les moustiques et phlébotomes, mais elles sont en outre efficaces contre les puces : elles tuent évidemment les adultes qui se trouvent sur l’animal, mais aussi les formes immatures présentes dans l’environnement. L’action sur les immatures peut être due à des inhibiteurs de croissance qui inhibent le développement des différents stades, (les œufs n’éclosent pas, les larves ne muent pas, le développement ne se fait pas à l’intérieur de la pupe), et/ou à une action insecticide directe sur les œufs, et indirecte sur les larves, la substance active se retrouvant dans les squames de l’hôte et les déjections des puces adultes, tuant ainsi les larves qui, on l’a vu plus haut, s’en nourrissent. Signalons en outre qu’un insecticide comme le dinotéfurane tue les insectes par contact, et que les puces n’ont donc pas à piquer le chien pour mourir. Les pipettes à base de sélamectine ont, en outre, une activité sur d’autres parasites externes (gale du corps et gale d’oreilles), et internes (ascaris, ankylostomes), et assurent aussi une prévention contre la dirofilariose.
L’effet de la plupart des pipettes persiste un mois après application. Il n’est pas interdit de laver son animal ou de le laisser se baigner pendant cet intervalle… mais tout de même avec modération : la plupart des notices de produit vous renseigneront sur la fréquence à laquelle les chiens (et les chats qui se baignent) peuvent aller faire trempette, sans perte d’efficacité du produit. Les notices vont indiqueront également les limites d’âge et de poids en deçà desquelles le produit ne doit pas être utilisé. Attention, certaines pipettes pour chiens, notamment celles contenant de la perméthrine, sont extrêmement toxiques pour les chats, chez qui elles peuvent déclencher des symptômes neurologiques (convulsions), qui conduisent souvent au décès ! Si une de ces pipettes a été appliquée par erreur sur un chat et qu’on s’en aperçoit rapidement, il faudra shampooiner énergiquement l’animal pour éliminer le maximum de produit avant que celui-ci ait été absorbé… puis amener rapidement son petit félin chez un vétérinaire ! A noter que si un chat lèche le point d’application d’une de ces pipettes sur la peau d’un chien avant que tout ait complètement seché, on peut arriver au même résultat.
Mettre une pipette d’antiparasitaire à un chien est un acte simple, mais qui pose parfois problème à certains propriétaires – tout au moins la première fois. Du coup, on vous a fait un tuto ! Alors, d’abord, on perce l’opercule de la pipette, puis on choisit un point d’application que le chien ne pourra pas lécher, généralement entre les omoplates. Les poils sont ensuite écartés, et le produit est appliqué directement sur la peau. S’il y en a trop par rapport à la surface de peau dégagée, et qu’on voit que ça risque de couler, on répartit le produit en deux ou trois points, après quoi on ramène les poils par-dessus. A noter que le contenu de certaines pipettes est à répartir tout le long de la ligne du dos, et non en un seul point. On évite ensuite de toucher le site pendant quelques heures, jusqu’à ce que le produit ait complètement séché. On évitera aussi que le chien aille directement se plonger dans la rivière ! A la fois pour que le produit ne soit pas directement éliminé au contact de l’eau, et aussi (surtout), parce que certains antiparasitaires sont toxique pour les poissons. Et pour le chat, ça fonctionne pareil ! (Excepté le risque de bain dans la rivière).
- Les comprimés : depuis quelques années, la lutte contre les insectes et acariens parasites des chiens et des chats a été grandement facilitée par l’arrivée d’une nouvelle classe d’antiparasitaires appartenant à la famille des isoxazolines : afoxolaner, fluralaner, lotilaner, sarolaner… La plupart de ces produits existent sous forme de comprimés à mâcher très appétents, spontanément consommés par la plupart des chiens et pas mal de chats. (Attention, tous ne sont pas prévus pour les chats). La durée d’action après la prise d’un comprimé va de un à trois mois, selon la formulation. Les puces décèdent en quelques heures après leur arrivée sur le chien, (la plupart des produits annoncent 8 heures), et les tiques en 48 heures maximum. Vu la rapidité d’action, les puces présentes sur le chien n’ont pas le temps de pondre : leur cycle s’en trouve donc interrompu. Les éventuels effets secondaires varient selon les molécules, mais restent exceptionnels : votre vétérinaire vous conseillera à ce sujet, ainsi que sur les rares contre-indications. Cette famille de produits a donc pour avantages l’efficacité, la rapidité d’action, (d’où l’interruption du cycle de la puce), et la facilité d’administration. Le principal inconvénient est l’absence d’effet répulsif sur les puces et les tiques (elles meurent après avoir piqué), et sur les moustiques et phlébotomes (pas d’effet préventif sur la leishmaniose : dans les zones d’enzootie de leishmaniose, il est donc nécessaire d’associer les comprimés à un répulsif en collier ou en spot-on). Et puis on sort un peu du domaine des anti-puces, mais ces produits sont également très efficaces pour traiter un certain nombre d’affections cutanées, (gale, démodécie, cheyletiellose, gale d’oreilles…), dont certaines étaient jusque-là difficiles à guérir, du fait de traitements parfois peu performants, mais surtout astreignants pour les propriétaires.
Signalons que des antiparasitaires appartenant à la famille des isoxazolines existent également en version pipette (esafoxolaner) et injectable (fluralaner), la durée d’action de cette dernière formulation, administrée uniquement par les vétérinaires, étant annoncée comme pouvant atteindre un an.
2 – Dans l’environnement
Il y a quelques années, quand les antiparasitaires appliqués sur les chiens et les chats étaient peu efficaces, ou du moins ne tuaient, au mieux, que les 5% de puces adultes présentes sur l’animal, le contrôle des puces dans l’environnement était absolument crucial. La maison devait être mise sens dessus dessous, les coussins et tapis soulevés et aspirés quotidiennement ou presque, les pièces où vivaient les animaux, désinsectisées à grands coups de sprays et de fumigènes… Bon, il est certain qu’aujourd’hui, quand il suffit de mettre une pipette ou de faire avaler un comprimé pour (respectivement) tuer les œufs et les larves en même temps que les puces adultes, ou empêcher les puces adultes de pondre… on est évidemment moins motivé pour se lancer dans un tel marathon ; ce qui est un tort : on l’a vu, nos animaux peuvent bien être protégés par les meilleurs insecticides du monde, actifs à 99,5%, si des milliers de puces éclosent dans l’environnement, il y en aura toujours quelques-unes qui parviendront à passer au travers et à piquer le chat… ou ses maîtres qui, eux, ne se mettent pas une pipette entre les omoplates ! Rappelons aussi qu’un chien bien allergique à la salive de puces réagira dès la première piqûre, et peu importe si la puce tombe raide morte une heure plus tard, le mal sera fait. On estime qu’une fois le traitement adulticide commencé sur l’animal, il faudra entre 3 et 8 semaines – ou plus – pour assainir l’environnement.
Les coussins du canapé, les niches un peu pourries et leurs vieilles couvertures, le pot de fleurs délaissé avec ses feuilles et ses herbes au fond, et le petit creux douillet que l’on s’est ménagé sous la haie, moitié ombre-moitié soleil : autant de hot-spots à traiter absolument, si l’on devait affronter un problème de puces dans la maison !
Donc, concrètement :
- On se concentre sur les « hot spots », ces « points chauds » dont on a déjà parlé, et qui concentrent un maximum de stades immatures : le canapé, les tapis, la niche où votre chien passe ses journées, le dessus de lit – voire l’intérieur du lit – où votre vieux chat passe ses nuits, ou encore le petit nid de feuilles, à l’ombre sous la haie, où l’un et l’autre vont faire la sieste quand il fait chaud. (En plus, le labrador du voisin n’en est qu’à 50 cm, de l’autre côté de la clôture).
- On commence par éliminer mécaniquement un maximum d’œufs, de larves et de cocons : concernant ces derniers, il faut se rappeler que la nymphe peut y tenir pendant des mois, à l’abri notamment de la dessiccation et de la plupart des insecticides. L’aspirateur sera donc le seul moyen de liquider ce stade ! Pour cela, on va soulever les coussins du canapé, retirer et laver leurs housses avant de les étendre au soleil (l’ennemi des larves !), et passer l’aspirateur sous les coussins. Pour les couvertures dans le panier du chien, on les lave à l’eau chaude, on les étend au soleil… ou on les jette. Ensuite, on passe l’aspirateur dans et sous le panier, en particulier entre les lattes de plancher, le long des plinthes… Pour la niche, on brûle la vieille couverture qui y traînait depuis un an, et on lave au jet, ou on passe l’aspirateur, si c’est possible. Et quand tout cela est fait, on jette le sac de l’aspirateur ou mieux, on le brûle ! Pour les endroits où le chien se couche dans le jardin, on retourne la terre ou le sable afin de tout bien exposer à la lumière…
- Ensuite, on termine le travail à l’aide d’insecticides sous forme d’aérosols, que l’on pulvérise sur l’ensemble des hot spots, et si nécessaire dans le jardin, avec un produit autorisé pour l’environnement. En cas d’infestation sévère, on pourra utiliser des diffuseurs (ou foggers), pour « gazer » une ou plusieurs pièces, voire l’ensemble de la maison, en diffusant un gaz insecticide. ça, il vaut mieux le faire quand on n’est pas là ! et on aère bien avant de retourner à l’intérieur. Le chien et le chat aussi, resteront dehors pendant l’opération.
- Les animaux non traités font partie de « l’environnement » : le hérisson qu’on surprend parfois dans le jardin, le chien du voisin qui vient dire bonjour à travers la clôture, la chihuahua de la tantine quand elle vient prendre le thé (« Mais ma Duchesse n’a pas de puce ! »), ou encore le chat semi sauvage qui tourne autour de la maison parce qu’il sait qu’on lui laissera une assiette de croquettes pour la nuit… En cas de problème de puces, toutes ces bestioles devront être traitées : le hérisson avec une pipette (voir la dose avec votre vétérinaire), le chat sauvage avec un comprimé dissimulé au milieu des croquettes, Duchesse comme on veut, à un moment où la tantine regarde ailleurs… il n’y a que pour le voisin que ça demandera une petite négociation.
3 – Et pourquoi ça ne marche pas ?
Il y a quelques années, la lutte contre les puces connaissait beaucoup d’échecs, au point qu’un professeur du collège de médecine vétérinaire de l’université du Kansas (le Dr Dryden, surnommé Dr Flea = Dr Puce), avait créé une « flea team », sorte d’unité spéciale qui débarquait chez les propriétaires d’animaux n’arrivant pas à se débarrasser de leurs puces, afin de comprendre les raisons de l’échec des traitements entrepris jusque là, et de proposer des solutions. L’analyse de la situation incluait un interrogatoire précis et détaillé des propriétaires, des comptages répétés des puces sur les animaux impliqués, la capture (au moyen de pièges), l’identification et le sexage des puces dans la maison et le jardin, etc. On va un peu se répéter, mais il est rare aujourd’hui de devoir employer des moyens aussi importants ! Cela dit, des échecs, il y en a encore, et nous allons essayer d’en lister les principales causes. Petit détail en passant : des informations intéressantes, et notamment des vidéos très didactiques sur la vie des puces sont disponibles (en anglais) sur le site du Dr Dryden.
Donc, quelques causes d’échec :
- Avant tout, un défaut d’observance : on se dit que « Mon chien n’a pas de puce », que c’est l’hiver et que les puces, c’est quand il fait chaud, ou simplement on a autre chose à quoi penser… et on ne met pas la pipette, ou on ne donne pas le comprimé, dans les temps.
- Les puces immatures déjà présentes dans la maison : on l’a vu, les isoxazolines (le plus souvent sous forme de comprimés), vont tuer les puces avant qu’elles aient le temps de pondre… mais n’ont pas d’action sur les œufs déjà pondus, ni sur les stades ultérieurs. Parmi les produits contenus dans les (bonnes) pipettes, certains vont bloquer le développement des stades immatures, et/ou auront une activité sur les larves déjà présentes dans l’environnement en les « empoisonnant » avec les crottes émises par les puces adultes dont les larves se nourrissent ; mais aucun de ces produits n’aura d’action sur les nymphes déjà installées sur le canapé ou entre les lattes du plancher, bien à l’abri dans leur cocon. Donc, une sortie régulière de nouvelles puces pendant quelques mois après le début d’un traitement ne signifie pas forcément que celui-ci est inefficace, mais que l’environnement était bien infesté. Les mesures sur l’environnement détaillées plus haut seront alors utiles et de toute façon, les jeunes puces adultes ne feront pas long feu une fois arrivées sur les chiens et les chats de la maison… à condition bien sûr que ceux-ci soient bien traités.
- Un hot-spot auquel on n’a pas pensé, plutôt à l’extérieur : rechercher de préférence une structure couverte (niche, haie, porche), un endroit ombragé et à sol sablonneux, où des animaux errants (chats, hérissons…), peuvent venir déposer des œufs de puces pendant la nuit. Il peut aussi s’agir d’un endroit à part dans la maison que l’on a négligé parce que l’animal s’y aventure rarement. Il est toujours intéressant d’aller se promener dans ces endroits suspects, et de voir si des fois, des puces ne nous sauteraient pas le long des jambes : il faut parfois savoir faire preuve d’abnégation ! Et puis, ne pas oublier de traiter la voiture !
- On a parlé des puces apportées par la chihuahua de la tantine ou par le chat semi-sauvage qui rôde autour de la maison… mais les propriétaires eux-mêmes peuvent jouer le rôle de transporteurs de puces, lorsqu’ils ont passé du temps à proximité d’un « hot spot » : grenier, maison en travaux… Des puces qui ont sauté sur les propriétaires sont ainsi transportées jusqu’à l’intérieur de l’habitation où, une fois arrivées, elles se redirigent vers le chat ou le chien de la maison, hôtes qui leur conviennent mieux que les humains. Ensuite, le cycle s’installe de façon durable, surtout si l’on considère que « comme mon chat ne sort pas, je n’ai pas besoin de le traiter ».
- Enfin, toujours garder à l’esprit qu’on n’a pas besoin de passer des heures dans un lieu infesté pour attraper des puces : il a été démontré qu’en moins de dix secondes, un chien (ou un humain), peut facilement attraper quatre ou cinq puces, à l’occasion d’une promenade le long d’une haie, ou d’une incursion dans un débarras ou abri de jardin un peu négligés (photo ci-contre : ici, la lutte contre les puces dans l’environnement prend tout son sens !).
Et nous, dans tout ça ?
La femme à la puce, Georges de la Tour, 1638
« Puce, pou, morpion, punaise… des compagnons de toujours », écrivait il y a quelques années JM Doby, professeur émérite de parasitologie, en tête de ses ouvrages consacrés à toutes ces petites bêtes.
Nous avons, dans cet article, abondamment parlé des relations entre les puces et nos compagnons à quatre pattes, mais « la surface de notre corps, notre peau, et ce qu’elle porte, cheveux, poils, ongles…est tout aussi riche en grouillante vie »… comme l’illustre la photo ci-contre. Avec pour conséquence, concernant les puces, la transmission d’un certain nombre de maladies au premier rang desquelles on trouve la peste, à l’origine de plusieurs grandes épidémies, dont celle de 1348 qui tua la moitié de la population européenne en trois ans ; quand même. Dernière grande épidémie de peste en France, la peste de Marseille, en 1720, provoqua la mort de 30 000 à 40 000 personnes sur une population de 80 000 à 90 000 habitants, avant de s’étendre à toute la Provence. Bon, pas de panique, il n’y a plus de peste en Europe, et on ne risque pas de l’attraper en se faisant piquer par l’une des puces de son chien.
Il en est de même du typhus, également transmis par les puces, et dont on ne déplore plus, en Europe, que quelques cas sporadiques.
Du coup, quels problèmes de santé peuvent encore être causés par les puces, chez l’humain ?
Le principal risque est de se faire piquer, et de se retrouver avec plein de petits boutons rouges qui grattent très très fort, sur les chevilles et sur les jambes (photo ci-contre). En général, ça ne va pas plus loin que ça, et avec quelques soins locaux, ça passe en quelques jours. Il y a tout de même des cas plus embêtants, par exemple si la salive de puce déclenche une réaction allergique, ou que les lésions s’infectent.
Après, il y a aussi le Dipylidium dont nous avons parlé plus haut : si un humain, (généralement un enfant), ingère une puce porteuse du ver, ou se laisse lécher le visage par un animal qui viendrait de faire sa toilette et aurait une puce encore plus ou moins vaillante dans sa salive, il pourra arriver que l’enfant lui-même soit contaminé par le Dipylidium. Bon, ce n’est quand même pas fréquent, et même si l’idée est vaguement répugnante, l’infestation ne provoque habituellement aucun symptôme.
On finira avec la maladie des griffes du chat, due à la bactérie Bartonella Henselae, qui se traduit par une fièvre, des maux de tête et un gonflement des ganglions. Comme son nom l’indique, la maladie se transmet essentiellement aux humains par griffure ou par morsure de chat, mais une transmission par piqure de puce est également possible. La transmission entre chats se fait par les puces.
La présence de puces a été remarquée chez la chatte de la maison, et le lendemain… c’était le tour de son propriétaire. NB : nous n’avons reçu aucune subvention de la part de la marque dont le nom apparaît sur la chaussette !