La lutte contre la douleur

Une préoccupation constante

Tintin et Fripouille, quelques heures après leur castration : réveil tranquille, sans signe de douleur, grâce à un protocole utilisant un alpha 2 agoniste et un anti-inflammatoire non stéroïdien.

Prise en charge de la douleur en chirurgie

Avant, pendant, après

Photo de gauche : Aïe aïe aïe, même une fois réparé, ça, ça doit faire mal ! Photo de droite : quelques heures après une chirurgie orthopédique, sur une fracture du même genre que celle de gauche : avec une bonne prise en charge de la douleur… pas de quoi vous couper l’appétit !

La prise en charge de la douleur chez les chiens, les chats et les NAC, est une préoccupation constante, au sein de nos équipes des cliniques vétérinaires de Calvisson et de Villevieille.

En chirurgie, tous les animaux faisant l’objet d’une intervention, y compris celles qui peuvent sembler les plus « légères » comme les castrations ou les abcès de chat, reçoivent systématiquement en prémédication de la morphine (ou autre opioïde comme la buprénorphine) et/ou un sédatif ayant une action contre la douleur (alpha 2 agonistes par exemple), ainsi qu’un anti-inflammatoire, (non stéroïdien le plus souvent), sauf contre-indication.

L’analgésie est surveillée au cours de l’anesthésie générale de l’animal. Elle est a minima apportée par la prémédication et l’induction de l’anesthésie, (utilisation de molécules tout aussi antalgiques qu’anesthésiques comme la kétamine ou les alpha 2 agonistes), auxquelles vient éventuellement s’ajouter l’administration d’autres antalgiques en per-opératoire. La méthode d’administration et le choix des molécules peuvent varier en fonction de la durée et de l’intensité de la douleur. Il est ainsi possible de réaliser des injections répétées à la demande, ou de mettre en place une perfusion continue d’un ou plusieurs antalgiques en association.

En post opératoire, pour les interventions les plus douloureuses ou en cas de blessure délabrante, en plus des anti-inflammatoires, les analgésiques sont maintenus au cours de l’hospitalisation, voire après le retour à la maison. Durant l’hospitalisation, les analgésiques peuvent être administrés sous forme d’injections répétées, ou de perfusions. A la maison, l’administration de médicaments antalgiques appartenant à différentes familles (anti-inflammatoires non stéroïdiens, opioïdes oraux ou gabapentine), se fera sous forme de sirops ou de comprimés. Des patchs cutanés à libération prolongée sur plusieurs jours (généralement bien tolérés par nos animaux), peuvent être mis en place pendant l’hospitalisation, et conservés après le retour à la maison (photo ci-dessous).

Pour les interventions les plus douloureuses, ou en cas de blessure délabrante, en plus des anti-inflammatoires, les morphiniques sont poursuivis en injections pendant l’hospitalisation, ou à la maison sous forme d’un « patch » qui diminue ou supprime la douleur pendant quatre jours (renouvelables si nécessaire)

D’autres types d’antalgiques peuvent également être administrés en comprimés, aussi longtemps que la douleur persiste.

Photo de droite : patch de fentanyl chez Popy, après ovario-hystérectomie et retrait de calculs vésicaux.

Voici Feliz, Cane Corso, qui rentre ici à sa maison le lendemain d’une importante chirurgie (TPLO) visant à réparer une rupture du ligament croisé antérieur du genou : la chienne marche en posant la patte opérée.

Prise en charge de la douleur en médecine

Traiter la cause… mais pas seulement

Photo de gauche : image échographique d’une pancréatite chez un chien diabétique : la graisse est ici presque blanche, signe d’une inflammation marquée. Le pancréas est visible en gris foncé, au milieu. A droite : le pancréas en vrai, chez un chien opéré pour un corps étranger intestinal. Le pancréas est ici bien enflammé… mais on en voit des pires ! Les pancréatites sont des affections très douloureuses, pour lesquelles la prise en charge de la douleur est primordiale.

Il n’y a pas que les chirurgies qui sont douloureuses pour nos petites compagnons. Il existe plusieurs situations médicales pour lesquelles une prise en charge antalgique est une nécessité.

Les douleurs peuvent être d’origine viscérale (comme lors de pancréatites, intussusceptions, ulcères gastriques, péritonite, pleurésie) mais également osseuses et articulaires (arthrose, cancer des os, polyarthrites).

Si certaines pathologies peuvent guérir et ne nécessitent alors qu’une prise en charge ponctuelle, d’autres évoluent sur un mode chronique et peuvent empoisonner la vie de nos petits compagnons pendant des années, voire tout le reste de leur existence. La prise en charge de ces douleurs est importante non seulement pour préserver autant, et aussi longtemps que possible, le confort et la qualité de vie de l’animal, mais aussi parce qu’il existe un mécanisme « d’hypersensibilisation » à la douleur, nommé hyperalgie, qui va rendre, au fil du temps, la sensation douloureuse de plus en plus fréquente et sévère.

Nous avons donc à notre disposition des molécules agissant davantage sur le long terme. Il existe dorénavant des anti-inflammatoires puissants et beaucoup mieux tolérés que ceux utilisés il y a quelques années. Nous disposons aussi de nouvelles molécules (anticorps monoclonaux) qui permettent, à la fréquence d’une injection par mois, de soulager efficacement les douleurs arthrosiques chez la plupart des chiens et des chats.

Il existe enfin plusieurs thérapies médicamenteuses permettant la prise en charge de ce phénomène d’hyperalgie sur le long terme.

Prise en charge de l’anxiété et des petites douleurs

Un confort superflu ?

Alors on a parlé jusque là de douleurs difficilement supportables, voire franchement insupportables : pancréatite, fractures multiples, tumeur osseuse… Mais la lutte contre la douleur ne s’arrête pas là, elle doit aussi prendre en compte des douleurs beaucoup plus discrètes, voire simplement l’anxiété de l’animal, notamment lors des manipulations.

Prenons l’exemple tout simple d’un épillet dans l’oreille : dans certains cas, l’oreille est peu enflammée, le chien est calme, l’épillet est bien visible et on sent qu’on pourra le retirer au premier ou au deuxième essai… ici, pas de problème. Mais dans d’autres cas, l’oreille est douloureuse, le chien agité, l’épillet pas bien visible sous des sécrétions ou une suppuration… Il y a quelques dizaines d’années, ce chien-là aurait été solidement cramponné par une ou deux assistantes, muselé, et l’épillet sorti de force après de longues minutes de cris et de fureur. On pourrait écrire la même chose à propos d’une banale coupe d’ongles chez un chien, ou de griffes chez un chat un tant soit peu sensibles, peureux et/ou agressifs ; ou de la tonte de bourres de poils chez un chat ; ou d’un simple prélèvement d’urines par cystocentèse. Une contention musclée sur un animal qui se débat n’est plus admissible aujourd’hui. Certes, on ne parle pas là d’horribles souffrances traumatiques ou cancéreuses, mais passer en force de cette façon provoque des douleurs et une panique inutiles chez l’animal, et un stress chez tous les humains autour, les propriétaires bien sûr, mais aussi… les vétérinaires !

C’est pourquoi toutes les manipulations un tant soit peu anxiogènes ou douloureuses pour l’animal se font aujourd’hui sous sédation, et ce d’autant plus volontiers que les produits utilisés peuvent être « réversés » et qu’après une injection « d’antidote » au sédatif, l’animal (chien ou chat), est debout en quelques minutes, et prêt à repartir chez lui sur ses quatre pattes. Au final, l »animal est moins stressé, et la prise en charge meilleure de la part du vétérinaire. Le rapport bénéfices/risques doit cependant toujours être pris en compte, certaines affections pouvant contre-indiquer la sédation (une pathologie cardiaque à un stade avancé par exemple). La meilleure option pour garantir à la fois le bien-être et la sécurité de l’animal devra alors être discutée.

Photo de gauche : retrait d’un épillet de l’oreille d’un chien, sous sédation : tout le monde est quand même plus serein comme ça. A droite : signes d’anxiété, voire de panique, chez ce chat, à l’arrivée à la clinique. Une petite pulvérisation de phéromones d’apaisement un quart d’heure avant d’entrer dans la cage de transport n’auraient pu faire que du bien !

Dans le même ordre d’idées, certaines manipulations ne provoquent aucune douleur, mais seulement de la panique et/ou de l’agressivité chez certains animaux : par exemple, rester allongé sur le dos pendant quinze minutes ou plus pour une échographie. Certains chiens vont se relaxer et même finir par s’endormir ; d’autres chiens et la plupart des chats n’accepteront pas de garder la position sur le dos pendant plus de quelques secondes. Dans ce cas, pourquoi se bagarrer ? L’animal sous sédation ne stressera pas inutilement, et… le vétérinaire fera un meilleur examen.

Il existe également des traitements apportant un apaisement plus ou moins important, que l’on peut donner soit ponctuellement avant le stress d’une consultation, ou de manière plus pérenne sur un animal au caractère anxieux ou agité. C’est le cas de molécules telles que certaines protéines de lait qui ont une action apaisante sur nos animaux de compagnie (et zéro effet secondaire), ou encore des phéromones d’apaisement qui, pulvérisées dans la cage d’un chat stressé ou diffusées dans la pièce de vie principale, pourront diminuer, au moins partiellement, son anxiété.

C’est dans ces situations de stress ou d’anxiété au long terme, plus ou moins associées à des douleurs modérées chroniques, qu’on voit émerger l’utilisation du Cannabidiol (CBD). De plus en plus utilisée, cette molécule commence à faire sa place dans la pharmacopée vétérinaire. Il ne faut pas oublier que les effets bénéfiques (ainsi que les effets moins bénéfiques) ne sont pas encore tous connus  et documentés de manière sérieuse. Mais dans certaines situations, le CBD peut constituer au moins un apport complémentaire dans la prise en charge plus globale de l’anxiété et des douleurs chroniques modérées.