LE LABORATOIRE
Pour voir les choses cachées
Une vue du laboratoire de la clinique vétérinaire de Calvisson : de gauche à droite, des analyseurs de biochimie (Catalyst), d’hématologie (Procyte), d’endocrinologie (Snapshot), et de coagulation (Clot 1), ainsi qu’une centrifugeuse et un microscope.
Il y a très très très longtemps de cela, il n’existait pas de matériel de laboratoire spécifique aux animaux et accessible aux vétérinaires. Il fallait donc faire passer nos tubes de sang au laboratoire d’analyses médicales de proximité, (ils étaient sympas, ils nous donnaient les résultats rapidement), ou bien, pour des analyses plus spécifiques, à des laboratoire spécialisés… mais qui n’avaient aucune expérience du chien, du chat et du cochon d’Inde, ce qui est bien normal. Alors, que faire quand des propriétaires paniqués nous présentaient un patient diabétique mal en point, et qu’on avait besoin d’une glycémie en urgence, a fortiori tard le soir ou pendant le week-end ?
Au fil des années, nous avons vu arriver des appareils d’analyse, d’abord franchement primitifs, (des heures à pipetter et mélanger différents réactifs pour obtenir un simple bilan de six paramètres – mais on était déjà contents !), jusqu’aux analyseurs actuels qui nous permettent de réaliser en quelques minutes, et avec une excellente précision, un très grand nombre d’analyses en hématologie, biochimie, endocrinologie, coagulation… Comment pouvait-on vivre sans tout cela ?
Cette page propose un tour d’horizon du matériel dont nous disposons et des analyses que nous réalisons quotidiennement, dans nos cliniques de Calvisson et de Villevieille (même équipement dans les deux structures).
Et s’il n’en restait qu’un, ce serait celui-là ! C’est très bien, d’avoir un analyseur qui nous donne très précisément le nombre de globules blancs dans un microlitre de sang : mais quid de leurs caractéristiques ? Comment l’appareil classera-t-il des cellules un tant soit peu atypiques ? Nous signalera-t-il la présence de globules rouges anormaux (annulocytes, schizocytes…) ? Nous dira-t-il qu’il y a des piroplasmes dans les globules rouges, des Ehrlichia dans les lymphocytes, des Anaplasma dans les plaquettes, et des microfilaires un peu partout ? Dans d’autres domaines, le microscope nous apprendra aussi s’il y a des bactéries dans des urines un peu troubles, des œufs de parasites dans des selles, des acariens sur la peau, des cellules anormales dans un ganglion… Et puis, on dira ce qu’on voudra, mais c’est toujours bien que des vrais gens vérifient un peu ce que nous racontent les machines – et ça, ce n’est pas vrai uniquement dans le domaine vétérinaire ! Allez, on détaille un peu tout ça en cliquant sur les quatre boutons ci-dessous.
Le microscope au service de l’hématologie avec, ci-dessus à gauche, le frottis sanguin d’un chien infesté par Mycoplasma canis (tous ces petits granules, isolés ou en chainette, à la surface des globules rouges) ; la cytologie avec la cytoponction d’une masse abdominale chez un bouvier bernois, qui a permis d’identifier un sarcome histiocytaire (en haut à droite) ; la parasitologie, avec des œufs de vers intestinaux (ci-dessous à gauche : ascaris et ankylostomes dans les selles d’un chien) ; et… tout le reste, avec ci-dessous à droite, des cristaux d’oxalate dans les urines d’un chien.
Comme nous l’avons vu plus haut, l’examen du frottis sanguin au microscope permet de recueillir beaucoup d’informations, mais celles-ci restent qualitatives : ce chien semble avoir beaucoup de globules blancs, l’aspect des globules rouges de ce chat est en faveur de tel type d’anémie… mais c’est quand même bien de mettre des chiffres sur ces impressions. Nos deux structures sont équipées d’un analyseur d’hématologie ProCyte, qui combine plusieurs technologies pour donner des résultats extrêmement précis (photos ci-dessous) : nombre de globules rouges, globules blancs et plaquettes par microlitre de sang, taux d’hémoglobine et d’hématocrite, nombre de globules rouges immatures (réticulocytes et érythroblastes), volume moyen des globules rouges, répartition des globules blancs, etc. Une représentation visuelle des résultats sous forme de nuages de points, qui nous renseignent sur la morphologie des cellules sanguines, vient compléter les résultats chiffrés.
Ci-dessus à gauche : une vue générale du laboratoire de la clinique de Villevieille. A droite : lecture sur l’écran d’un résultat d’hématologie ; à droite de la photo, l’analyseur d’hématologie ProCyte One et posé dessus, un « agitateur » qui balance les tubes d’avant en arrière, pour éviter que les globules (déjà collectés sur anticoagulant) ne s’agglutinent avant l’analyse.
Ci-contre : un exemple de résultat d’hématologie… assez perturbé, notamment du côté des globules blancs, avec augmentation du taux de polynucléaires neutrophiles et de monocytes. On l’a vu plus haut : ce résultat sera bien sûr à valider par la lecture du frottis sanguin qui permettra, en outre, de rechercher des choses que la machine ne nous dit pas, par exemple la présence de parasites sanguins.
Nos deux structures sont équipées d’appareils de biochimie travaillant en chimie sèche, ce qui assure exactitude et répétabilité des analyses : ce sont des CATALYST, qui permettent de doser en quelques minutes un grand nombre de paramètres sanguins : par exemple l’urée et la créatinine, pour évaluer le fonctionnement des reins, le glucose pour rechercher un diabète ou au contraire une hypoglycémie, les phosphatases alcalines et les transaminases pour dépister une lésion du foie, l’ammoniac pour explorer certains troubles neurologiques, etc. (Photos ci-dessous : le laboratoire de Calvisson et à droite, le CATALYST DX).
Ces appareils permettent également de doser les ions (sodium, potassium, chlore), ce qui est important à la fois pour le diagnostic de certaines maladies (par exemple l’hypocorticisme, ou maladie d’Addison), pour évaluer l’état d’un animal choqué, ou pour le suivi d’une réanimation (pour équilibrer une perfusion, notamment).
En dehors de ces paramètres courants, nos CATALYST nous donnent en quelques minutes les résultats de paramètres indisponibles sur les analyseurs des vétérinaires praticiens il y a encore quelques années, et pour lesquels nous devions envoyer nos prélèvements à des laboratoires spécialisés, avec la perte de temps (et de chance pour l’animal) que cela implique : ainsi, le phénobarbital, intéressant pour le suivi des animaux épileptiques recevant un traitement de Gardénal ®, la fructosamine, paramètre très important dans le diagnostic et le suivi des chiens et des chats diabétiques, la T4 (hormone thyroïdienne) pour le diagnostic et le suivi de l’hypothyroïdie du Chien et de l’hyperthyroïdie du Chat, la SDMA pour la détection d’une atteinte rénale plus précoce qu’avec l’urée et la créatinine, la progestérone, importante pour les consultations de reproduction, la protéine C réactive pour détecter et suivre un état inflammatoire… Le rapport protéines/créatinines urinaires (RPCU) permet de chiffrer de la fuite des protéines dans les urines, lors d’atteinte des glomérules du rein.
La possibilité de réaliser ces dosages sur place est importante pour poser un diagnostic et mettre en œuvre un traitement dans les meilleurs délais, mais aussi pour pouvoir prendre à tout moment une décision rapide en chirurgie ou en réanimation : les reins de ce chienne âgée lui permettent-ils raisonnablement d’être opérée de sa tumeur mammaire ? ce chien diabétique sous insuline, qui nous arrive bien mal en point, est-il en hypo, ou en hyperglycémie ? (le traitement sera, bien sûr, radicalement différent !). Ce vieux chat insuffisant rénal a-t-il besoin de potassium dans sa perfusion, et si oui, en quelle quantité ? Une illustration, avec la photo ci-dessous à gauche.
Ci-dessus : deux feuilles de résultats de biochimie, à la clinique de Villevieille : à gauche, un bilan standard 8 paramètres, qui nous révèle l’existence d’un diabète sucré chez un chat, avec un taux de glucose très élevé (5,6 g/l ; valeur usuelle maximum = 1,6 g/l). A droite : suivi d’un chat hyperthyroïdien sous traitement : la T4 est de 105 nmol/l ; elle a bien diminué depuis l’analyse précédente (207 nmol/l), mais reste trop élevée (valeur usuelle maximum = 60 nmol/l). Disposer de ces résultats en quelques minutes permet d’informer les propriétaires et de prendre une décision thérapeutique sans attendre, au cours de la consultation.
Photo ci-contre : le manque de potassium (hypokaliémie) chez le chat, entraîne une faiblesse musculaire généralisée, et notamment une incapacité à soutenir sa tête, donc une flexion permanente (ventroflexion) du cou : déséquilibre qu’il est essentiel de diagnostiquer et de corriger rapidement lorsqu’on en est à ce stade, en apportant sans attendre du potassium par perfusion !
Bon, pour bien comprendre la suite, on va faire un petit point très très très schématique sur la coagulation : quand on se coupe quelque part, ça attire de toutes petites cellules du sang, les plaquettes (ou thrombocytes), qui vont venir rapidement colmater la plaie. (Evidemment, ça ne marche que sur de petites plaies, si on vous a sectionné la carotide, vos petites plaquettes ne suffiront pas à vous sauver la vie). Donc ça, c’est l’hémostase primaire, qui aboutit à la formation du « clou plaquettaire », qui a stoppé le saignement. Le problème, c’est que le clou en question, il n’est pas très solide et si on ne le renforce pas, il ne va pas tenir longtemps. Et c’est là qu’intervient la coagulation plasmatique : des facteurs de coagulation qui s’activent en cascade jusqu’à aboutir à la fabrication de fibrine, qui va venir consolider le clou plaquettaire pour en faire un véritable caillot.
Parmi toutes les raisons qui peuvent faire qu’un chien ou un chat se mette à saigner, la plus fréquente est sans doute l’empoisonnement par la mort aux rats. Les coumariniques, constituants de la plupart de ces produits, sont des anti-vitamine K1. Or, la vitamine K1 est indispensable à la fabrication de quatre des facteurs de coagulation dont on a parlé, (ceux qui s’activent en cascade pour arriver à la fabrication de la fibrine) : les facteurs II, VII, IX et X. Sans ces facteurs de coagulation, pas de fibrine, pas de caillot… et l’animal se saigne jusqu’à ce que mort s’ensuive – mais après tout, c’est l’objectif recherché quand on répand de la mort aux rats. (NB : tout cela est exposé plus en détail dans une page encore en construction, consacrée aux empoisonnements par la mort aux rats).
Mais il n’y a pas que la mort aux rats ; il est évident que si quelque chose cloche à n’importe quelle étape du processus de coagulation, celle-ci ne se fera pas bien. On va citer les anomalies du nombre (thrombopénie) ou du fonctionnement (thrombopathie) des plaquettes sanguines ; une coagulation intravasculaire disséminée (CIVD) qui entraîne une consommation excessive à la fois des facteurs de coagulation et des plaquettes ; une anomalie héréditaire touchant les facteurs VIII ou IX (hémophilie) ; et puis aussi des lésions locales (par exemple pour le saignement de nez (épistaxis), une grosse destruction osseuse suite à une infection sur la racine d’un croc, ou des ulcères de la muqueuse nasale dans la leishmaniose)… pour ne citer que les principales causes. (Photo de gauche : épistaxis dans une leishmaniose).
Bon, tout ceci étant dit, quand on voit débouler dans sa salle d’attente un chien qui saigne, qui saigne, qui saigne au point de se retrouver en quelques minutes au milieu d’une flaque de sang, il va falloir trier entre ces différentes causes et là, faire une prise de sang pour envoyer à un laboratoire extérieur et attendre le résultat pendant une semaine ne sera pas une bonne option. Donc, on va devoir se débrouiller sur place.
Pour ça, on va disposer de plusieurs moyens. D’abord, quelques questions simples : si le chien a six ans et qu’il n’a jamais saigné de sa vie, il est peu probable qu’il s’agisse d’une hémophilie, puisque l’hémophilie, on naît avec et on fait ses premiers saignements très tôt. S’il s’agit d’un caniche qui vit au sixième étage et qu’on ne sort qu’en laisse, il est peu probable qu’il s’agisse d’un empoisonnement par la mort aux rats… à moins qu’on n’en ait mis dans l’appartement !
En deux, les plaquettes : on en a parlé plus haut, l’analyseur d’hématologie nous donne leur nombre : s’il est complètement effondré, le saignement vient de là (encore restera-t-il ensuite à déterminer la cause de cet effondrement !). La quasi absence de plaquettes sera vérifiée sur frottis sanguin, et on recherchera aussi une éventuelle anomalie qui pourrait empêcher les plaquettes de fonctionner ! (Photo de gauche : morulas d’Anaplasma platys à l’intérieur de deux plaquettes sanguines (flèches) chez un chien présenté pour des saignements).
Et puis on en arrive aux facteurs de coagulation, et c’est là que notre analyseur (CLOT 1) va entrer en jeu : nous pouvons réaliser en quelques minutes un temps de Quick qui nous dira si l’origine du saignement est un défaut de coagulation plasmatique comme on en rencontre dans la mort aux rats. Si le test est positif, il ne restera plus qu’à injecter très rapidement à l’animal de la vitamine K1, voire à le transfuser si la situation est vraiment dramatique. (Photos ci-dessous : à gauche le coagulomètre CLOT 1 ; à droite : le coagulomètre affiche un temps de Quick de 470 secondes (valeurs useulles ≤ 8 secondes), chez un chat présentant un saignement anormalement abondant, par une plaie de petite taille. Le chat avait consommé de la mort aux rats et a pu être sauvé).
Autre intérêt du coagulomètre : le suivi, histoire de s’assurer que le temps de Quick se normalise bien après le début du traitement, et de vérifier que la mort aux rats ait fini de sévir dans l’organisme lorsqu’on arrête. (Dans la mesure où le poison peut agir pendant deux à trois semaines, et parfois davantage !)
D’accord, ce n’est pas du matériel de pointe, n’empêche qu’une bandelette urinaire, quand on démarre l’exploration d’une fièvre d’origine inconnue, c’est important aussi, et que ça vaut le coup de dire un mot de tous ces petits outils qui permettent souvent de commencer à débroussailler des cas complexes, voire parfois de poser un diagnostic à eux tout seuls.
Alors on va pouvoir citer les bandelettes urinaires, qui vont nous renseigner sur le pH (= l’acidité) des urines, la présence de glucose (là, c’est presque toujours un diabète sucré, plus rarement une lésion rénale (tubulaire)), de globules blancs (une infection le long des voies urinaires), de globules rouges, de protéines, de bilirubine etc.
Deuxième sur la liste : le réfractomètre : encore un petit instrument génial. On y met une goutte de plasma et en une seconde, on a le taux de protéines dans le sang. Effondré, on va chercher une fuite protéique par l’intestin ou par les reins ; très élevé, une déshydratation ou une maladie inflammatoire chronique comme la leishmaniose. On peut aussi mettre dans notre réfractomètre une goutte d’urines et là, ça nous donne instantanément la densité urinaire : très élevée, on pensera à une déshydratation, effondrée, à un problème rénal (tubulopathie), ou à un désordre hormonal (diabète insipide). NB : tout ceci à titre d’exemples, listes pas du tout exhaustives ! (Photo ci-contre : en haut, les bandelettes urinaires, en bas, le réfractomètre).
Autre petit instrument précieux : le glucomètre, qui nous donne le taux de glucose sanguin (= glycémie) avec une seule goutte de sang. Parce que si on peut se contenter de faire une petite incision à l’oreille d’un animal pour lui prendre une goutte de sang, plutôt que de lui faire une « vraie » prise de sang, surtout si c’est un chat sauvage ou un chien tout fou… c’est quand même plus confortable. Et quand on doit faire 8 ou 10 prises de sang dans la journée pour une courbe de glycémie, je ne vous dis pas ! Sans compter que chez le chat, le stress peut faire grimper artificiellement la glycémie, du coup, moins le prélèvement sera stressant, moins le résultat sera faussé ! (Photo ci-contre : glycémie basse chez un chat).
Et pour finir, les tests rapides pour diagnostiquer la présence de tel ou tel virus, bactérie ou parasite. D’accord, c’est une technologie beaucoup plus évoluée qu’une petite bandelette urinaire, mais ça reste des tests simples, qui nous disent en quelques minutes et avec une marge d’erreur réduite, si le chien ou le chat que nous avons devant nous est porteur de tel ou tel agent pathogène. Nous utilisons ces tests pour diagnostiquer la leishmaniose et l’angiostrongylose chez le chien, le FeLV et le FIV chez le chat, et la giardiose et la parvovirose dans ces deux espèces.
Un exemple de test rapide : ce chat était malheureusement positif pour le FeLV, mais négatif pour le FIV.