La médecine interne
Entre Docteur House et Miss Marple
Plus beaucoup de globules rouges dans le sang de ce chat, atteint d’une hépatozoonose dont l’installation a sans doute été favorisée par la présence du virus de la leucose féline (ou virus leucémogène félin = FeLV). Photo de gauche : la muqueuse oculaire est toute blanche, à cause de l’anémie. A droite : aspect du sang centrifugé : normalement, le tout petit culot de globules visible au fond du tube de prélèvement, devrait représenter environ 1/3 du contenu de ce tube.
Pas facile de définir la médecine interne. Quand on parle de cardiologie ou de chirurgie, on voit tout de suite de quoi il s’agit. La médecine interne, ça peut sembler plus flou. Si l’on voulait faire un raccourci rapide, on pourrait dire que la médecine interne, c’est un peu Dr House, à savoir une spécialité qui fait appel à plusieurs disciplines : gastro-entérologie, endocrinologie, uronéphrologie, pneumologie, hématologie, immunologie, maladies infectieuses et parasitaires… (liste non exhaustive !)
Chacune de ces disciplines est, en soi, une spécialité à part entière. La consultation de médecine interne consiste à recenser des commémoratifs et des symptômes relevant de ces différentes disciplines (diarrhée chronique, toux, soif augmentée…) mais qui parfois ne relèvent de rien du tout (fatigue, perte de poids, baisse d’appétit, fièvre persistante…), afin, telle Miss Marple, d’en réaliser la synthèse et de formuler des hypothèses qui seront ensuite exclues ou confirmées par différents examens complémentaires : hématologie, biochimie, échographie, endoscopie… Le but étant, bien sûr, de parvenir à un diagnostic et si possible, à un traitement.
La médecine interne est donc une spécialité qui prend en charge l’animal dans sa globalité. Ce qui, me direz-vous, devrait toujours être le cas, mais c’est encore plus vrai dans une discipline où l’on gère des cas complexes, impliquant le plus souvent plusieurs organes ou ensembles d’organes, en faisant appel à des outils diagnostiques très variés.
La partie peut-être la plus importante d’une consultation de médecine interne est souvent aussi la plus négligée : il s’agit du recueil des commémoratifs : depuis quand l’animal est-il malade ? Est-ce que les symptômes ont été d’emblée violents, ou est-ce que ça s’est dégradé petit à petit ? S’il fait de la diarrhée, est-ce deux fois par jour, ou six à huit fois ? et les selles sont-elles alors juste un peu bouseuses, ou franchement liquides ? S’il vomit, est-ce à distance des repas avec de fortes contractions du ventre, ou quelques minutes après manger, sous forme d’une simple régurgitation ? S’il tousse, est-ce plutôt à l’occasion d’un effort, d’un moment d’excitation, ou bien au repos, voire pendant le sommeil ?
Après le recueil des commémoratifs vient le temps de l’examen clinique, et là, les cinq sens doivent être en éveil. (Euh… non, peut-être pas le goût, en fait).
On va commencer par regarder l’animal. A l’extérieur : son allure générale (maigre ? obèse ?), sa peau (normale ? jaune ? avec des boutons, des plaies, de petites hémorragies = pétéchies ?) ; et puis aussi un peu à l’intérieur : on lui ouvre la bouche pour voir ses muqueuses (bien roses ? pâles voire blanches ? jaunes ? avec des ulcères, ou là aussi, de pétéchies ? voir les photos ci-dessous), sa langue, ses dents, ses amygdales…
Muqueuses buccales blanches chez un bichon anémié à cause d’une destruction des globules rouges d’origine immunitaire (anémie hémolytique à médiation immune).
Après la vue, le toucher : on va palper son ventre pour rechercher une douleur, une masse ou une sensation de liquide ; vérifier les ganglions ou la persistance plus ou moins longue d’un pli de peau…
Avec les oreilles, on va écouter sa respiration, sa toux…, puis, en ajoutant un stéthoscope, ses bruits cardiaques et pulmonaires… et comme indiqué plus haut, on écoutera aussi les informations transmises par les propriétaires de l’animal !
Et on va même pouvoir sentir une haleine urineuse caractéristique, chez certains chiens ou chats insuffisants rénaux, ou encore l’odeur du pus avant même d’avoir localisé un abcès enfoui sous les poils.
En 1679, Thomas Willis, médecin personnel du roi Charles II d’Angleterre, a constaté que l’urine de certains patients diabétiques avait un goût sucré. Mais comme indiqué plus haut, nous éviterons de nous servir du goût pour obtenir un diagnostic ; dans le cas du diabète, des bandelettes urinaires ou un dosage sanguin du glucose feront très bien l’affaire ! Ce qui nous amène à envisager les différents examens complémentaires dont nous disposons pour poursuivre l’exploration, à l’issue de l’examen clinique.
On l’a vu, la médecine interne est une discipline où l’on gère des cas complexes, impliquant plusieurs organes, en faisant appel pour cela à des outils diagnostiques très variés : typiquement, on voit arriver un chien pas très en forme, l’examen clinique nous montre qu’il est fiévreux, on commence par prélever des urines qui nous révèlent, par exemple, la présence de protéines, ce qui nous conduira à réaliser un bilan sanguin et, en fonction des résultats de celui-ci, à pratiquer une échographie ou d’autres examens d’imagerie, et à envoyer des prélèvements (par exemple pour des sérologies) dans un laboratoire extérieur. On voit l’importance prépondérante que les examens complémentaires auront eu dans cette démarche diagnostique. En cliquant sur les boutons ci-dessous, vous trouverez une présentation de l’analyse d’urines, de l’utilisation du microscope en hématologie et cytologie sans oublier la parasitologie, de nos analyseurs d’hématologie et biochimie (entre autres), et de l’intérêt de l’imagerie (radio, écho et endoscopie) en médecine interne. Ce plan n’est absolument pas homogène… mais ça ne fait rien !
BLANCHETTE
une chienne qui saigne après une chirurgie de routine… et ce n’est pas normal !
Blanchette, une chienne croisée Porcelaine âgée d’un an et demi, nous est présentée pour stérilisation. L’examen préopératoire est normal, l’intervention et le réveil se déroulent sans incident mais à plusieurs reprises dans les 24 heures qui suivent, la plaie chirurgicale saigne de façon anormale